lundi 16 janvier 2012

Le Maghreb face aux défis islamistes /étude 1994 /partie II

Le POLISARIO, quant à lui, vit et gère un certain nombre d'acquis diplomatiques qui sont loin d'être négligeables. Le 27 février 1976, il a proclamé la RASD (République Arabe Sahraouie Démocratique). La même année, la RASD est accueillie comme 51ème membre de loua. Ce qui a, d'ailleurs provoqué au moment où elle y siégea officiellement (20ème sommet de novembre 1984) le retrait du Maroc, membre fondateur. Aujourd'hui, la RASD est reconnue par 76 États.

On peut donc dire que le conflit est dans l'impasse et malgré les appels réitérés de l'ONU et de loua aux deux parties (Maroc et POLISARIO) d'entamer des négociations directes et bien que celles-ci eurent lieu (à Marrakech, le 3 janvier 1989) aucun progrès significatif n'a été marqué.

Néanmoins, une décrispation des rapports maroco-algériens a été notée, plus particulièrement sous le régime de Chadli Benjedid (rétablissement des relation diplomatiques en 1976, deux sommets à Zeralda en juin 1988 et à Marrakech en février 1989). Cette décrispation a connu une évolution significative lors de l'éphémère présidence du HCE (Haut Comité d'Etat) en 1992 par Mohamed BOUDIAF, avant qu'il ne soit assassiné et qui, de l'avis de tous les observateurs, avait parmi ses objectifs prioritaires le règlement définitif de la question du Sahara (règlement qui signifiait la reconnaissance de la marocanité du territoire).

L'évolution interne de l'Algérie, les déclaration intempestives de Hassan II, stipulant en substance qu'il n'est pas nécessairement hostile à l'arrivée des islamistes au pouvoir, les accusations mutuelles de complot, les attentats réels ou imaginaires commandités par l'un ou l'autre des États, les agissements des officines secrètes, la fermeture des frontières, l'exigence des visas, etc...... sont autant de mesures qui indiquent combien la situation est redevenue très tendue entre les deux États et combien la question saharienne peut représenter un enjeu et un moyen pouvant être utilisé à des desseins dont la gravité demeure insoupçonnable. Chacun sait que dans des phases de crise, les nationalismes exacerbés sont des dérivatifs tentants. La seule note d'espoir, mais là aussi il convient d'être prudent, c'est la volonté de la communauté internationale exprimée par l'ONU d'organiser un référendum d'autodétermination au Sahara Occidental[55]. La voie reste semée d'embûches; les parties concernées ne s'accordant ni sur les chiffres ni sur les modalités de la consultation. Les Sahraouis veulent que la consultation prenne en considération les évaluations des populations réalisées par l'Espagne en 1974 et les populations réfugiées à Tindouf (sud-ouest algérien), tandis que les Marocains considèrent ces réfugiés comme leurs citoyens séquestrés et veulent également que soient concernées par la consultation, les populations civiles qu'ils ont opportunément installées au Sahara depuis 1975.

Si l'agitation diplomatique demeure intense au sujet de ce territoire, son sort en dernière instance reste puissamment hypothéqué par l'évolution interne des deux régimes, celui de l'Algérie pesant beaucoup plus lourdement sur la balance.

8. Les gestions de la contestation Islamiste

Y a -t-il un moyen aujourd'hui de gérer la contestation islamiste? A vrai dire aucun, en suivant de près le cas algérien on peut affirmer que le "tout sécuritaire" pour reprendre une formule significative des médias n'a eu jusqu'ici que des effets contre-productifs. En cette fin d'année 1994, on peut même risquer le pronostic d'une prise de pouvoir islamiste à très court terme. Sans préjuger des formes, de la durée et des alliances que signifiera ce pouvoir, on peut, avec plus de rigueur, évoquer trois modèles de réponses étatiques au(x) défi(s) islamiste(s):

8.1 Le modèle égyptien

Depuis l'ère nassérienne, la stratégie des différents gouvernements consistent à bouter hors de l'espace politique les islamistes radicaux et à intégrer dans le tissu institutionnel les éléments modérés sans pour autant leur ouvrir l'accès aux postes clés. Depuis la création de l'association des frères musulmans par Hassan Al Banna, les islamistes occupent une place centrale dans la vie politique égyptienne sans pour autant qu'elle soit exclusive, ce qui en clair signifie que les autres forces politiques et les élites culturelles laïques en particulier ont les coudées franches. Dans le cas de l'Égypte, l'islamisme se développe au travers d'un paradoxe intéressant; il a un ancrage historique et social qui est sans doute le plus important du monde arabe d'une part, et il est confiné dans un rôle subalterne au niveau du jeu politique. Cette situation en cours depuis quatre décennies implique toutefois une gestion de crise permanente. Les régimes égyptiens et en particulier celui de Moubarak, ne peuvent en effet faire l'économie du cycle infernal terrorisme-répression, cycle incertain et qui, de surcroît, suppose des élites politiques unies sur l'essentiel. La violence dont font usage à la fois les islamistes et l'Etat, ces trois dernières années en particulier, indique les limites d'un tel modèle.

8.2 Le modèle jordanien

A une ressemblance patente avec celui d'Algérie du moins à son début. Le pouvoir jordanien a en effet comme l'algérien, légalisé la mouvance islamiste. Mais en institutionnalisant la militance islamiste, les autorités jordaniennes se sont démarquées de leurs homologues algériennes, elles ont effet obligé les islamistes à s'insérer dans le jeu parlementaire et à élaborer des projets politiques compatibles avec le principe de "gouvernementalité" dominant institué par la monarchie hachémite[56]. Les islamistes jordaniens ne considèrent pas le pouvoir du monarque comme impie, au contraire ils en avalisent la légitimité religieuse, leur objectif reste comme partout ailleurs l'islamisation de la société par l'application de la chari'a.Pour l'heure, ils sont enfermés dans le jeu institutionnel, ils sont minoritaires au parlement; on comprendra donc que le résultat de leur stratégie reste mitigé: en deux législatures ils ont perdu beaucoup de terrain. Mais l'évolution de la situation régionale et en particulier le statut de Jérusalem peuvent parfaitement leur offrir un terrain favorable de croissance et le moyen de s'imposer comme force politique incontournable.

8.3 Le modèle marocain

C'est sans doute le plus éloquent, le plus complexe et le plus atypique aussi. L'origine chérifienne de la dynastie alaouite, a permis au monarque marocain de renforcer considérablement ses acquis symboliques qui constituent un champ politico-religieux extrêmement hiérarchisé. Champ dans lequel la monarchie actuelle joue le rôle d'un acteur hégémonique qui détermine, proportionnellement à son crédit symbolique, la place que peuvent y occuper les autres acteurs. Sa légitimité est supposée transcender la classe politique, les aléas de la conjoncture et se confondre avec la personne "sacrée" du roi.

Cette légitimité relève donc de plusieurs registres.

-Scripturaire ( Coran et Sunna )

-Contractuelle ( Bey'a )

-Historique (descendance Chérifienne ).

Il s'agit là de trois registres différents qui ne sont pas nécessairement concordants et méritent d'être clarifiés sommairement [57]

La légitimité scripturaire relève de la question du khalifat ou de l'Imamat, comprise ici comme la nécessité religieuse d'un chef (Imam) qui guide la communauté (Umma) et protège le Dar-al-Islam (espace acquis à la Loi Vérité du Coran ). Sans entrer dans une savante digression théologique, on peut avancer que ni le Khalifat, ni l'Imamat ne peuvent justifier ou expliquer l'occupation par la monarchie marocaine de tout le champ politique. D'autant que la version orthodoxe du Khalifat ne fait pas du Khalife le dépositaire du pouvoir normatif qui n'appartient qu'à Dieu.

La légitimité contractuelle comme son nom l'indique s'articule à la notion de contrat et ressort d'un registre plus positiviste qui semble être orienté vers la raison d'Etat ou de notion d'Etat de droit.

La légitimité historique enfin est invoquée dans le double sens d'une historicité dynastique et d'une historicité mystique et hagiographique par référence au Prophète et à sa chaîne symbolique.

Dans le contexte marocain, la sacralité se veut une synthèse de la légalité et de la légitimité.

Elle singularise une instance qui suscite la crainte et invite au respect; elle est l'expression de la suprématie inconditionnelle et souveraine d'un acteur politique (Hassan II) sur les autres acteurs qui est réalisée, grâce à la fusion de trois "raisons": la raison d'Etat, la raison divine et la raison historique.

Après l'indépendance du pays scellée en 1956, on verra progressivement se mettre en branle un processus d'homogénéisation des rapports symboliques, le roi devenant entre autres le dépositaire de l'essentiel du pouvoir symbolique, référant à la fois à sa légitimité historique et à l'institutionnalisation "moderniste" du régime. Le monarque n'est plus investi par les uléma selon la bey'a , il devient le producteur initial et exclusif de la symbolique définissant les normes du champ politico-religieux. Il s'agit là d'une mutation structurelle dans l'historicité même du pouvoir exécutif qu'il convient d'appréhender à partir de la dynamique de légitimation constitutionnelle. Dans le milieu des années soixante et compte tenu des très grandes mutations qu'a connu la formation sociale marocaine depuis la fin de la colonisation, une question de fond commençait à préoccuper les sphères dirigeantes de ce pays : la légitimité quasi divine du souverain, lisse et fonctionnant sans aspérité, pouvait-elle suffire à susciter une forme de consensus de la société civile. Pour les sociologues avertis du caractère très composite de la société la réponse était négative, bien que les attitudes puissent varier selon que l'on prenait en compte les acteurs du champ religieux ou les autres, ceux particulièrement engagés dans les formes de luttes politiques à caractère laïque. C'est sur cette toile de fond que la légitimité de type légale-rationnnelle (constitutionnaliste) allait intervenir en complément en somme de la précédente. Par rapport à cette nouvelle norme et contrairement au souverain, les élites "modernistes", qui pensent et agissent dans le cadre de l’Etat-nation , dans lequel selon eux doivent s'enraciner le pluralisme politique et la démocratie, se situent d'entrée de jeu en rupture avec tout dessein de continuité. Par quel cheminement est-on arrivé à cette forme de syncrétisme politique, qui aujourd'hui à son tour, a réactivé les acteurs du contre-champ et leur idéologie islamiste utopiste- messianique?

Le tandem pouvoir-légitimité demeure plus complexe qu'on ne le croit à priori. De manière raccourcie, on peut parler cependant de son caractère concentrique, cybernétique diront d'autres. Au centre de ce pouvoir, il y a un noyau dur représenté par le monarque et la famille chérifienne. Cette première enveloppe est celle de l'Imamat ; la seconde au-delà de la fonction religieuse, présente le roi comme le chef du Makhzen[58] (constitué par un ensemble de familles liées depuis plusieurs générations à la dynastie Alaouite, le roi y dirige des hommes de vieilles familles caïdales qu'il utilise aussi bien en informateurs qu'en agents modérateurs); enfin le monarque est chef suprême des armées. L'Armée dès sa constitution devenait l'armée du roi. La devise des FAR est :"Dieu, La Patrie, Le Roi". Le serment d'allégeance est prêté non à la "Patrie", mais au Roi; le corps militaire s'appelle non "Forces Armées Marocaines" ou "Armée Nationale Marocaine", mais bien "Forces Armées Royales". Cette exclusivité royale du contrôle de l'armée constitue un des fondements légitimatifs essentiels de la monarchie. Le processus légitimateur source d'une ahurissante concentration de pouvoirs ne se fonde pas uniquement sur des facteurs scripturaires, hagiographiques ou "contractuels", il transite nécessairement par un jeu subtil où la ruse le dispute souvent à la coercition suave quand ce n'est pas la répression brutale.

Dans ce dernier volet et par rapport au strict registre religieux nous exposerons très rapidement les attitudes des acteurs du contre champ, ce dernier comportant aussi bien desUléma , des organisations politiques que des mouvements associatifs ou confrériques musulmans.

Si dans le passé le poids des uléma était non négligeable dans le processus de la bey'a en particulier et qu'ils jouissaient d'une relative autonomie politique, à l'heure de la "modernité" tout allait changer.

Ces mandarins dont la culture devenait décadente et pour le moins formaliste se verront très vite intégrés à la fonction publique par volonté tactique et stratégique du Prince dont le souci est de conserver toute l’initiative religieuse.

L'Etat les transforma en fonctionnaires gérant le patrimoine Habous[59] , et leur prestige comme leur hiérarchisation sociale cessèrent de relever exclusivement du degré de leur savoir, de leur rhétorique ou de leur audience auprès des citoyens pour dépendre de l'échelonnement établi par leurs ministères de tutelle. Trois facteurs sont généralement avancés pour expliquer l'érosion de leur fonction symbolique dans la cité : 1.- un bon nombre d'entre eux se seraient compromis avec les autorités coloniales , cette compromission serait d'autant plus grave que les Uléma avaient décidé la déposition de deux sultans Abd el Aziz et Mohammed ben Youssef (Mohammed V avec la bénédiction de la résidence générale et du Glaoui)

2.- un nombre non moins important avait été intégré au corps des Qadi (juges religieux) et auxiliaires des tribunaux du Chra', enfin plus près de notre époque leur marginalisation est expliquée par un 3 ème facteur évoqué par le roi lui-même :" Je ne sais et je ne veux pas savoir, vénérables uléma, à qui ou quoi, à vous, à l'administration, à la politique ou aux programmes, doit être imputé votre absence dans la pratique quotidienne marocaine (...) Messieurs, nous payons ensemble, enfants, jeunes, adultes et vieux, le prix de ce phénomène, car dans les universités et établissements secondaires, en guise d'enseignement de l'Islam, on n'évoque plus que les causes de rupture des ablutions et d'invalidité de la prière et on n'analyse guère le système économique, social, véritablement socialiste de l'Islam; étudiants et élèves n'apprennent plus que la religion est d'abord rapport entre les hommes....."[60]

Affaiblis numériquement oublieux de leur fonction politique, les Uléma n'en continuent pas moins d'intéresser l'Etat Chérifien qui les "invite" à participer plus activement à la formulation des normes religieuses devant régir la cité. Un Dahir (décret) a été promulgué qui "consacre" et "affermit" les recommandations que les Uléma pourraient faire aux institutions de l'Etat. Un Haut Conseil des Uléma présidé par le roi, coiffe dorénavant ces docteurs de la loi, bien entendu c'est le Commandeur des Croyants qui en définit les attributions et fixe le rôle de ces hommes de Dieu. Voici dans quels termes le roi Hassan II leur a dispensé ses conseils :" J'attends de vous que vous soyez non seulement des professeurs dispensant la connaissance, mais aussi des animateurs de cercles intellectuels(... ) Nous devons savoir une fois pour toutes que les conseils n'ont rien à voir avec les serments de prédication (...) La prédication n'est pas de vos attributions (...) Le rôle du 'alim ne peut se limiter à dénoncer le mal(...) Vos interventions doivent ne pas être celles de uléma en face d'un gouvernement tant il est vrai que le gouvernement et les uléma constituent une seule et même famille. Religion et monde d'ici bas s'interfèrent. Le jour où un Etat musulman séparera religion et monde, ce jour-là, si jamais il doit venir, justifierait que nous célébrions d'avance les obsèques d'un tel Etat..."[61]

La centralisation de la légitimité religieuse instituée comme pôle par la monarchie a fini par ôter définitivement toute initiative politique aux uléma. Le monarque à la fin des années soixante-dix s'est employé fermement à les confiner dans un rôle de gardien de l'"orthodoxie religieuse" et non de la chari'a. En définitive, ces "spécialistes" du sacré sont réduits aujourd'hui à la gestion du culte et non plus chargés de produire de l'idéologie ou un discours voire une éthique politico -normatifs. Les uléma se voient assignés une série de tâches pratiques: animation de chaires de prédication dans les mosquées (3 prônes hebdomadaires) axés sur des thèmes moraux, sociaux et religieux, lecture de conférences dans les lycées et facultés. Cette mainmise du palais sur tout le champ religieux se manifeste également par la gestion et le contrôle des lieux de culte. L'encadrement, délégué au ministère des Habous, au haut conseil des 'Uléma se manifeste diversement selon qu'il s'agisse de mosquées publiques ou privées. Les imams des cinq prières sont désignés par le ministère des Habous sur proposition des uléma et avis favorable du qadi. Ce même ministère contrôle le contenu des prônes, dont les thèmes sont spécifiés impérativement dans les mosquées publiques et suggérés dans les privées .

Mais quoiqu'il puisse en coûter au budget de l'Etat, l'instrumentalisation de la fonction symbolique comprise dans cette division et spécialisation du travail doit se faire; signalons qu'au début des années quatre-vingt on recensait au Maroc : 22 lycées dits d'enseignement originel, 4 facultés et un institut supérieur.


Deuxième partie

1. Maroc-Algérie:

Analyse comparative de leur évolution économique

Au début des années 90, alors que l'Algérie était au bord de l'implosion, son voisin de l'ouest le Maroc affichait un optimisme, eu égard aux tentatives de recomposition du paysage économique menées par l'ensemble des pays maghrébins depuis le début de la décennie précédente. La crise économique mondiale combinée à la montée des périls intérieurs avaient en effet contraint les deux pays les plus importants de la région à procéder à des révisions importantes de leurs politiques économiques conçues au début des années soixante. Les plans d'assainissement financier engagés par Rabat sous la pression du Fonds Monétaire internationale et de manière plus autonome par Alger qui n'en a pas moins bénéficié de prêts substantiels de la Banque Mondiale, peuvent être analysés à partir de trois grands facteurs:

-la chute des cours mondiaux des phosphates et des hydrocarbures, matières qui constituent respectivement leurs principales ressources;

-le gonflement de la dette extérieure[62] consécutif à la politique systématique d'investissements par le recours à l'emprunt pendant les années soixante-dix;

-la détérioration des équilibres financiers interne et externe (déficits alarmants des budgets et des balances des paiements).

Il pourrait sembler surprenant que deux pays aux potentialités et aux structures différentes en soient arrivés presque au même point après une trentaine d'années d'indépendance. L’analyse comparative de leur évolution politique et économique explique cet apparent paradoxe.

Dès l'accession à leurs indépendances politiques (Maroc en 1956, Algérie en 1962) les deux pays adoptent des stratégies différentes de transition économique. Le passage de l'ordre colonial à celui de la souveraineté nationale consista en Algérie en une option idéologique monolithique (socialisme étatiste), "seule" apte à assurer au moyen d'un "développement autocentré", l'indépendance économique et politique du pays. Socialisme à vocation autogestionnaire sous Ben Bella (1962), puis étatisation de l'économie sous Boumediene (1965) avec un facteur clé: la priorité donnée à l'industrie, au détriment de l'agriculture. Cette stratégie volontariste ne tenait, jusqu'à une certaine mesure, que par le financement tiré de l'exploitation des hydrocarbures. Quand le premier choc pétrolier intervint en 1973 avec un prix du baril au plus haut et donc des disponibilités de liquidités impressionnantes, les choix économiques adoptés semblaient être les meilleurs. L'Algérie d'alors "savourait son pain blanc".

Au Maroc, par contre, la transition s'articulait autour de deux perspectives formellement contradictoires: introduction graduelle d'une dose de marocanisation, maintien du modèle de croissance colonial, édification d'une économie nationale, selon le modèle libéral.

Ces stratégies dites d'indépendance, furent en général admises par les couches les plus démunies, lesquelles accordèrent une certaine légitimité au discours des élites, discours axés sur la reconquête de la dignité, le droit, à la terre, au travail, à l'éducation, à la santé...

Plus de trente années plus tard, ces "projets d'édification nationale" sont toujours à l'ordre du jour, avec quelques variations ,et, la demande sociale de plus en plus frustrée et impatiente.

1.1 Algérie

De toutes les crises qu'a connue l'Algérie, celle que subit actuellement sa société restera indiscutablement marquée par un profond désenchantement depuis la moitié des années quatre-vingt. Il y a peu de temps, l'Algérie de Boumediene-Benjedid croyait encore en un projet "d'émancipation nationale", grâce à la rente pétrolière et au référent symbolique de la guerre de libération, au miracle prométhéen d'un capitalisme d'État et d'une "industrie industrialisante". Aujourd'hui force est de constater que ces quatre valeurs politico-imaginaires ont gravement failli, et qu'elles n'ont pas été en mesure d'amortir ni le choc de la modernité ni celui de la crise internationale que nous connaissons.

Parmi les faits marquants de l'Algérie des années quatre-vingt-dix, nous en retiendrons deux:

- Après 28 années de confiscation de la volonté populaire par le F.L.N., les événements d'octobre 1988 à juin 1990[63] débouchèrent immédiatement sur l'effondrement de la légitimité et de la domination du Parti-Etat. Mais en réalité, comme le souligne l'historien algérien Mohamed Harbi[64], c'est dès 1978 que "l'Algérie commence à découvrir les limites de l'étatisation de la société. La différenciation sociale accélérée, la corruption, les luttes intestines contribuent à éroder le mythe nationaliste aux yeux des générations nouvelles que le développement démographique a transformées en majorité. Face à un pouvoir qui revendique son statut au nom du passé, et non des résultats, la demande de la participation à la direction du pays se fait plus pressante". Le processus dit démocratique ou l'idéologie de rechange, initié dès 1990 restant au demeurant, surveillé étroitement par l'appareil militaire, ce qui a rendu la guerre civile larvée à laquelle nous assistons quasi inéluctable.

- Et durant cette même période, alors que le désenchantement politique s'exacerbait, la situation économique continua d'accumuler les handicaps d'une gestion néo-patrimoniale et anarchique du potentiel national, aggravant encore sa dépendance extérieure, a telle enseigne que la quasi-totalité des 9 milliards de dollars du revenu du commerce extérieur est absorbée par le seul service de la dette[65] .

1.2 Maroc

Structurée par un État monarchique omniprésent durant les années soixante, l'économie marocaine, conciliant libéralisme et essor du secteur public, est frappée par une profonde crise à la fin des années 70'. Elle débouchera, à partir de la première moitié de la décennie 80', sur l'instauration d'une politique d'austérité dictée par les programmes classiques de l'ajustement structurel. Ainsi, incapable de faire face aux charges de la dette extérieure, le Maroc sera sommé d'appliquer les premières mesures du P.A.S. (programme d'ajustement structurel), dès l'été 1983. Ces mesures sont "d'ordre budgétaires et monétaires : réduction des investissements de l'État et des créations d'emplois dans la fonction publique, pression sur les salaires, baisse des subventions à la consommation, stricte contrôle de la masse monétaire, relèvement des taux d'intérêts, poursuite de la dépréciation du dirham...et conjointement à cette action de stabilisation, a commencé une restructuration de l'économie ayant pour objectif d'en "augmenter la rentabilité et l'efficacité" ainsi que le potentiel d'exportation"[66]

Loin de favoriser les mécanismes de productivité inhérents au marché capitaliste libéral et une politique budgétaire restrictive[67], le programme d'ajustement structurel inscrit dans la tradition "libérale" de l'État patrimonial marocain, profite exclusivement aux bourgeoisies affairiste, bureaucratique, et à leurs clientèles.

L'ajustement structurel et son corollaire endémique de la dette ne cesseront de peser lourdement sur l'érosion du pouvoir d'achat des Marocains tout en aggravant l'état de déliquescence sociale. Plus de la moitié de la population vit depuis les années soixante au-dessous du seuil de pauvreté, selon les affirmations de la Banque mondiale[68].

Dans cette présentation, il sera surtout question d'une énumération interprétative de quelques paramètres socio-économiques des deux pays; paramètres déterminants dans l'articulation crise économique/difficulté d'une perspective de modernité politique.

ALGÉRIE

MAROC

Réf.

INDICATEUR

Unité

1975

1988

1990

1993

1975

1988

1990

1993

Produit Intérieur Brut

milliard $

14,2

55,8[69]

9,0

18,2

27,5

croissance annuel

%

~ 7

0,8

2,9

5,5

10,1

4,4

2,5

par habitant

1 $

850

2.560[70]

2.270

1940[71]

520

1042

Structure du P.I.B.( a+i+s = 100 %)

agriculture

%

7

22,7

15

industries

%

35

28,1

33

services

%

43

49,2

52

Dette extérieure

milliard $

4,5

22

24

26

1,8

14,6[72]

21

21,5[73]

service de la dette

milliard $

0,6

5,8

8

8,7

service de la dette/exportation

%

87

66

75

33,2[74]

28,5

dette/P.I.B

%

48,2

50,4

66,4[75]

78 .

taux d'inflation

%

9,0

9,3

30 [76]

11,2

2,3

7,2

Dépenses de l'État / PNB

éducation

%

7

4,8

7,4

santé

%

1,6[77]

5,5

3,4[78]

3,2 13

défense

%

2,7

6,1

4,5

Importations

milliard $

10,0

13,2[79]

7,4 [80]

Exportations

milliard $

10,8

15,8[81]

5,0 [82]

Hydrocarbures

milliard $

3,3[83]

8,5

9,8[84]

Balance commerciale

milliard $

0,8

2,6 [85]

Tourisme

milliard $

1,24

Transferts des émigrés

milliard $

2 [86]

2. Le Système productif en Algérie

La stratégie de développement adoptée par les planificateurs des deux premières décennies de l'indépendance, portait prioritairement sur l'industrialisation de l'économie algérienne. Elle se fondait essentiellement sur la manne des hydrocarbures, potentiel naturel et financier à même de procurer, par importation, des biens d'équipement et de consommation. Ce choix a conduit à privilégier le secteur industriel avec sa logique industrialiste[87], au détriment d'une politique agricole, d'ailleurs incohérente et ambivalente pour des raisons de légitimité politique. En effet, suite aux balbutiements populistes du pouvoir Benbelliste, à travers l'autogestion agricole étatisée (1962-1965), le "redressement révolutionnaire" de 1965 se devait d'inventer son champ de légitimité (Révolution agraire) nourri, toutefois, de la même prégnance idéologique. La révolution agraire est " la réalisation de l'idéologie populiste d'une partie des membres de l'appareil politique dominant l'État à l'époque, soutenue par les membres "industrialistes" de cet appareil qui, eux, souscrivaient de façon abstraite, c'est-à-dire sans tenir compte de l'état réel des campagnes et de leur liens avec le reste de l'économie, aux théories exposant la nécessité des réformes agraires pour un développement rapide" (Bédrani S., 1992:83)

2.1 Les politiques agricoles: bilan

Pays au climat aléatoire et à dominante aride, l'Algérie dispose, sur les 2,4 millions de kms2 de son territoire, d'une superficie agricole utile d'à peine 3 %, et qui est estimée à 7,5 millions d'ha dont plus de 3 millions d'ha sont annuellement en jachère. Mais la qualité de cette terre est loin d'être homogène. Aussi, si l'on tient compte de la pluviométrie, la qualité et la topographie des sols, il apparaît que les zones d'intensification maximale n'excèdent pas le million d'ha [88].

Contrairement au mythe, complaisamment répandu à l'époque coloniale, d'une "Algérie à vocation agricole" et ou d'une "Algérie garde manger de l'Europe", ce pays n'a vu sa production agricole que très faiblement augmenter depuis son indépendance (juillet 1962) alors que sa population s'est fortement accrue, de sorte que la production alimentaire par habitant a évidemment baissé. l'Algérie n'a donc pas cessé de se heurter à l'insuffisance de ses capacités alimentaires. Et face à l'exiguïté des terres agricoles et les insuffisances hydrauliques, les décideurs politiques ont élaboré plusieurs plans de réformes et une révolution agraire.

Après le départ précipité des anciens colons et le sabotage[89] des outils de production, le gouvernement avait opté, en 1963, pour une restructuration de l'exploitation des " terres hâtivement abandonnées (...) et organisées en fermes autogérées selon, grossièrement le modèle yougoslave" (Bédrani, 1992:82). La production fut moyennement maintenue, jusqu'au moment où la centralisation bureaucratique commença à marginaliser le paysan, devenu un simple citoyen-exécutant, des centres de décisions et d'orientation de la production agricole par l'État. La fin de cette décennie fut marquée par un constat d'échec tant de l'organisation autogérée et du secteur privé de l'agriculture que du rendement agricole qui, dans le meilleur des cas, a stagné alors que la croissance démographique grimpait avec un taux de natalité de 155‰ en 1965. A partir de 1972, la Réforme fut remplacée par "la Révolution agraire" qui visait l'accroissement de la production et de la productivité de la terre, tout en prêchant pour une certaine justice sociale dans les couches paysannes. Le résultat à la fin des années 70' sera quasiment identique à celui des années 60'. Durant les années 80', d'autres politiques moins "révolutionnaires" furent mises en oeuvre remettant, néanmoins, en cause les précédentes, par le biais de la libéralisation marchande. Aujourd'hui, suite aux échecs successifs de sa politique agricole, l'Algérie doit acheter à l'étranger 70 % de son alimentation contre 27 % au milieu des années 60'.

Tableau : 1

Secteur agraire en 1971 avant la révolution agraire

Superficies

Secteur autogéré

Secteur privé

en ha et en %

Domaines

Superficie

Exploitation

Superficie

Sans terres

18,6

0

Moins de 10 ha

1,9

1,1

67,0

33,9

De 10 à 50 ha

13,4

35,0

De 50 à 200 ha

9,3

-

0,9

11,2

Plus de 200 ha

88,8

98,9

0,1

19,9

Source : Secrétariat d'État au plan, Alger.

Cité par P. Eveno, 1994:82

Tableau : 2

Structure agraire en 1986 selon les secteurs juridiques

Secteur privé

Secteur socialiste

Surfaces utiles en M. ha

5,1

2,8

Nombre d'exploitations

800.000

3.415

Moyenne des superficies

6 ha

830 ha

Moyenne des effectifs

2 actifs

40 actifs

Superficie moyenne par actif

3,2 ha

20,6 ha

Source : P. Eveno, 1994:83.

Si l'on retient la production céréalière, principale gamme de produits qui entrent pour une très grande part dans la consommation populaire, sa capacité à couvrir les besoins est passée de 80 % en 1963 à seulement 30 % ces dernières années.

Cette situation d'insuffisance ne cesse de s'aggraver, et elle n'apparaît pas comme le fait exclusif de l'essor démographique des années 80. La variable démographique déjà retenue par les planificateurs de la politique agricole n'explique pas tout. Non seulement l'effort de rendement agricole ne suit pas la croissance de la population, mais il tend plutôt à régresser depuis 1955 et surtout à partir de 1974.

Il en va de même pour la variable hydrologique. L'agriculture demeure dépendante de la pluviométrie, et l'on relève une défaillance chronique de la politique hydraulique de l'État. Le périmètre irrigué, qui a été évalué en 1962 à 320.000 ha, n'a depuis, augmenté que de 4,6 %[90]. Ainsi en 1991, où l'eau du ciel a été abondante, le rendement a été triplé par rapport aux années précédentes.

A l'instar des échecs des politiques agricoles, la pêche algérienne a vécu plusieurs déroutes politiques et bureaucratiques. La première épreuve remonte à 1962 avec le départ précipité de la principale corporation de l'époque formée essentiellement d'Italiens et d'Espagnols, la seconde arrive avec la vague des nationalisations des années 70 qui augmenta la production de papiers administratifs au détriment des étals de poissons. L'actualité maritime reste cependant marquée par un taux grandissant d'immobilisation des unités de pêches fautes de pièces de rechanges.

Aujourd'hui, l'Algérie représente le plus faible taux de consommation de poissons au Maghreb, avec 3 kg par habitant/an, et ne dépasse guère les 100.000 tonnes de poissons malgré une mer moyennement poissonneuse[91] .

Tableau : 4

Algérie :

Évolution des productions céréalières entre 1955 et 1993

Indicateur

Unité

1955

1974

1988

1990

1991

1993

Blé

1.000 tonnes

1.300

1.091

614

1.005

1.741

1.100

Orge

1.000 tonnes

707

331

390

680

1.750

900

Total

1.000 tonnes

2.007

1.422

1.004

1.675

3.490

2.000

Source : P. Eveno, 1994:86

Populiste et volontariste, l'esprit de l'interventionnisme étatique en matière agricole oeuvrait surtout pour une certaine soumission du monde paysan et rural à la logique de l'industrialisation de l'économie et plus généralement l'imposition d'une conception urbano-industrielle du développement.

Mais comment ces logiques développementalistes des années 60', au-delà de leur fonction manipulatrice, ont-elles reconfiguré le profil industriel de l'économie algérienne ?

2.2 La politique industrielle

En 1962, le secteur industriel était fort disparate et peu développé. Il représentait à peine 28 % de la Production Intérieure Brut (M. Ollivier, 1991:113), il était néanmoins lié au fonctionnement des secteurs, agraire et alimentaire, à celui également de la construction des mines et de l'énergie ( les découvertes des gisements d' hydrocarbures étant alors à leur début).

La stratégie de développement adoptée par le nouvel État indépendant portait avant tout sur la mise en valeur des ressources pétrolières, dont les retombées financières devaient servir à l'implantation d'une industrie lourde, capable de transformer les richesses naturelles et de fournir tous les biens d'équipement à long terme. Cette stratégie supposait un développement économique dit autocentré, dont l'industrie devait être le principal moteur[92]. Le développement autocentré avait comme vocation "la valorisation extérieure des ressources naturelles du pays, l'investissement productif dans tous les secteurs d'activités, dans le but de construire une économie intégrée [...], enfin un énorme effort de promotion sociale par le développement de l'école et la création d'emplois productifs dans toutes les régions du pays" (Ollivier M., 1992:116-117).

C'est ainsi que furent créées les deux principales sociétés nationales ( la SONATRACH pour les hydrocarbures et la SNS pour l'industrie lourde), et que fut prise la décision de nationaliser les mines, les banques et enfin les hydrocarbures en 1971. L'édification du tissu industriel va également reposer pour l'essentiel sur l'importation du modèle clés en main, et du savoir-faire européens. Loin de constituer une réelle base d'émancipation nationale, ce choix technologique maintiendra l'effort industriel dans la dépendance en ne répondant qu'aux seuls besoins d'équipement du très court terme.

Durant les années 70', alors que le choc pétrolier de 1973 s'est avéré très favorable à l'Algérie, des dérapages dans l'industrialisation du pays commencent à se manifester: les gigantesques chantiers industriels enregistrent de graves retards d'exécution et d'importants dépassements dans les budgets planifiés. La part des investissements allouée au secteur industriel représente 60 % contre 13 % à l'agriculture. Il faut attendre la brève embellie du début des années 80' pour trouver enfin un important rendement de la production industrielle, un accroissement des ressources en devises grâce à l'augmentation des exportations d'hydrocarbures et le cours élevé du dollar.

Évolution des revenus des hydrocarbures de l'Algérie (en milliards de dollars U.S.)

1973

1974

1979

1980

1983

1985

1986

1987

1988

1989

1990

Revenus du pétrole

1

3,3

7,5

12,5

9,7

9,2

5,2

5,5

Total hydrocarbures

7,8

8,5

8,5

10

9,8

Sources : Hireche Assia, 1990:1150

En 1986, les retombées de la crise économique mondiale vont frapper de plein fouet la fragile santé économique de l'Algérie. Coup sur coup, le prix du pétrole chute et le cours du dollar baisse, aggravant de la sorte ses capacités d'importation et le fardeau de la dette. Depuis, les caisses de l'État sont vides. Pour s'en convaincre il suffit de souligner qu'en 1990 les 10 milliards de dollars que lui rapportent ses hydrocarbures (98 % des exportations)[93]suffisent à peine à rembourser les services de la dette.

Cette décennie sera marquée d'une part, par l'incapacité du pays à absorber la masse des équipements installés, et d'autre part, par la faiblesse des effets d'entraînement escomptés de "l'industrie industrialisante" sur le reste du système productif, surtout sur l'agriculture. L'ampleur des sacrifices et des efforts tant sollicités et alloués dans la contrainte par la société civile, paraissent au grand jour fort disproportionnées au vu de ces résultats. Ainsi, aussi bien de l'intérieur de l'appareil administratif que dans la société civile, se développe un discours critique et violent quant au rôle économique de l'État comme producteur et régulateur du système économique.


3. Le système productif au Maroc

3.1 La politique agricole

la politique agricole a été l'élément fondamental de l'ensemble des plans de développement élaborés depuis l'indépendance. Et suivant l'orientation privilégiée d'une économie ouverte au marché extérieur, la vocation agricole du Maroc se scinde, en une "économie à deux vitesses", une culture rentière, prioritaire, et une culture vivrière délaissée dans ses limites naturelles et structurelles. Cette configuration dichotomique des structures agraires a eu pour conséquence de marquer la société en profondeur dans le sens où la priorité accordée aux périmètres irrigués, lieu d'une agriculture moderne marchande, a été soutenue par la politique hydraulique, " au détriment des zones d'agriculture pluviale où vivent la majorité des agriculteurs : 80 % du total ". (Pascon et Ennaji, 1986:106). Entre 1965 et 1985, les périmètres irrigués, de moins de 10 % de la Surface agricole utile (S.A.U.), ont absorbé plus des 2/3 des investissements publics destinés à l'ensemble de l'agriculture marocaine (voir tableau suivant) et ce au profit des cultures rentières et exportatrices.

Investissements publics totaux réalisés (moyenne 1965-1985)

%

1965 - 1985

Part agriculture totale

28,6

Part Barrages

9

Part équipement des périmètres irrigués

11

Superficie agricole utile totale (M. ha)

7,8

Superficie des périmètres irrigués (M. ha)

0,5

Source : Tableau établi par l'auteur d'après: Chorus Driss, 1992:120.

Une agriculture moderne : une culture rentière.

Sur la base de la politique de modernisation déjà engagée par la colonisation, l'État continua à développer de grands périmètres irrigués par la multiplication des ouvrages hydrauliques modernes[94]. Les objectifs d'alors visaient à développer les cultures d'exportation, contribuer à l'autosuffisance alimentaire et freiner l'exode rural.

Occupants 10 % des surfaces agricoles et générant 45 % de la Production intérieur brute (P.I.B.) agricole totale (Khrouz, 1992:121), l'agriculture irriguée a été accompagnée par la mise en place et le développement d'industries agro-alimentaires (oléagineux, sucre, coton).

Les 14 sucreries du pays ont produit 138.855 tonnes de pulpe de betterave et 144.822 tonnes de mélasse en 1986, pour couvrir à hauteur de 65 % la consommation nationale qui est estimé à 30 kg par personne (Khrouz, 1992:145).

La capacité de raffinage nationale des huiles végétales est de l'ordre de 340.000 tonnes en 1988. Les 14 raffineries couvrent à peine 7 % de la demande en 1988 contre 2,8 des besoins entre 1980 et 1984.

Cependant si la culture rentière a un impact certain sur la modernisation d'une partie des facteurs de production agricoles, les coûts sociaux, financiers et de dépendance technologique sont de plus en plus importants. Parmi les effets pervers de l'interventionnisme moderniste de l'État " les subventions pénalisent les petits exploitants et les couches à revenus réduits qui n'ont pas les moyens d'une agriculture marchande spécialisée...(ainsi)...ils ont aggravé les disparités sociales, le chômage et alourdi le poids des programmes d'ajustement structurel"[95].

La modernisation de l'agriculture n'a fait que renforcer l'inégalité foncière et la paupérisation des paysans. Si bien que la réforme agraire n'a guère répondu aux attentes exprimées par les couches sociales concernées. L'État marocain et l'oligarchie foncière ont récupéré entre 1966 et 1973 les terres des colons par le biais de sociétés d'État (SODEA et SOGETA)[96], et une forte concentration foncière là où des investissements en irrigation sont réalisés. En fin de compte, en manipulant la réforme agraire au profit de l'élite rurale, la monarchie a sacrifié ainsi la modernisation de l'agriculture marocaine.

L'agriculture vivrière

La culture vivrière est située dans les zones pluviales dites "bour". Elle couvre environ 4,5 millions d'hectares. Délaissée par les décideurs politiques des grands investissements publics (seulement 3 % entre1973 et 1980), cette agriculture est restée caractérisée par la faiblesse des moyens de production et par la prépondérance de la petite exploitation. Là où surtout 1,4 millions de foyers ruraux sont sans terre ou insuffisamment pourvus (Pascon et Ennaji, 1986:35).

Exclusivement céréalière, son rendement est faible du fait des aléas de la pluviométrie, de l'organisation de l'exploitation et la faiblesse des intrants utilisés[97]. Tributaire surtout de "l'eau du ciel", on peut récolter jusqu'à 80 millions de quintaux, lors d'une bonne année comme celle de la campagne 1987-88, et n'atteindre que difficilement les 40 millions. Au cours d'une année moyenne, l'orge représente à lui seul plus de 50 % de la production céréalière, viennent ensuite le blé dur et tendre, le maïs et le sorgho. En 1992, lors d'une nouvelle sécheresse, la production des céréales a enregistré une très forte chute à 28 millions de quintaux contre 85 millions de qx en 1991.

La pression démographique et les défaillances structurelles de l'agriculture marocaine, font que pour arriver à satisfaire la demande locale, le recours à des importations de plus en plus importantes, en moyenne 50 %, demeure la règle.

Ainsi sous l'effet du poids financier, politique et social du déficit alimentaire, l'État va opérer de nouveaux choix depuis le début des années 80'. L'argument financier milite dans le sens du désengagement de l'État en tant que premier producteur et financier du pays. L'interventionnisme étatique s'avère dorénavant incompatible avec le renforcement du libéralisme. Par la même, la privatisation des principales sociétés publiques s'accélère, la SODEA et la SOGETA, fleuron de la modernisation ont été bradées au profit de " certains capitalistes privés selon des procédures encore inconnues malgré les controverses que ce problèmes soulève dans le pays depuis deux années"[98] .

Sur le plan social, une profonde déstructuration de l'exploitation familiale, outre les écarts de revenus et des disparités sociales qui ont frappé les milieux sociaux ruraux, a libéré des offres de main d'oeuvre jeune et exigeante et qui s'en va dès lors gonfler le taux du chômage et une urbanisation déjà explosive.

3.2. La politique industrielle

Considéré comme le grenier de la métropole, la colonisation a très peu développé le tissu industriel du Maroc. Au lendemain de l'indépendance, l'idée d'une industrie industrialisante a très peu de temps retenu l'attention du nouvel État pour s'orienter vers l'évolution du potentiel industriel dans le cadre du développement agricole, jugée plus prioritaire. Il faut attendre le plan quinquennal de 1973-77, pour qu'une politique industrielle voit le jour.

L'engagement de l'Etat qui présente l'industrialisation comme un impératif pour le décollage économique s'est porté, la manne phosphatière aidant, sur des industries dites évoluées (complexes chimiques et pharmaceutiques, cimenteries, textiles, alimentaires...).

Le recours à l'endettement s'est très vite révélé lourd de conséquences, pour que l'État réoriente dès 1982, ses investissements destinés aux industries de substitutions aux importations, vers les industries exportatrices. Le système productif industriel, en regard des structures de l'investissement et de la production industrielle, se compose de trois catégories importantes.

La première est principalement constituée d'unités publiques et semi-publiques, dont l'activité est orientée vers la valorisation locale surtout des ressources du pays. Tel est le cas pour la valorisation de la production phosphatière, sucrière , raffinerie de pétrole... Elles sont relativement de grande dimension et disposent d'une large capacité de production. Des données du rapport du Ministère de l'Industrie sur la situation des industries de transformation (1981-1985) révèlent en matière d'affectation des ressources publiques, " une prédominance pour les branches à longues maturation comme la chimie (53 %), l'agro-alimentaire (23 %), la métallurgie et la mécanique " (Jaidi L., (1992:100)

Taux de croissance du P.I.B. par secteurs (annuels ) 1973 - 1986. ( prix constants 1969)

1973-77

1977-80

1980-84

1984

1985

1986

Mines, Énergies, Eau

+ 2,4

+ 6,3

+ 3,2

+ 2,6

+ 3

- 3,1

Industries manufacturières

+ 6,1

+ 3,9

+ 1,0

- 1,7

+ 0,9

+ 3,4

Bâtiment et T.P.

+ 27,2

- 11,0

+ 0,8

- 4,9

+ 6,4

- 10,3

Source : Rapport de la Banque Mondiale sur les politiques et perspectives d'ajustement à moyen terme. Cité par Jaidi L., 1992:102.

En général, le secteur étatique représente en patrimoine " prés du tiers du capital social industriel par des prises de participations directes dans 90 entreprises qui ont réalisé en 1985 un chiffre d'affaire de 20 milliards de Dirhams (1Fs = 6 Dh) et une production de 18 milliards de Dh., soit respectivement 31 et 30 % du total industriel. Le montant de la participation étatique directe et indirecte dans les industries de transformation est passé de 310 millions de Dh à 2,6 milliards de Dh entre 1969 et 1985 et il représente actuellement (1992) prés de 53 % du portefeuille financier de l'État "[99].

La seconde catégorie est formée principalement des petites et moyennes industries, peu capitalistiques, et qui se situe dans la plupart des branches industrielles: alimentaire, textile, petite mécanique... avec un taux de salarisation au plus de 100 actifs par unité. Elles sont majoritairement orientées vers la satisfaction des besoins du marché intérieur.

Enfin, le troisième regroupe les industries destinées à l'exportation manufacturière, y compris celles qui pratiquent de la sous-traitance internationale. Mise à part l'entreprise de montage Berliet qui a fait ses preuves, la contribution de cette catégorie au P.I.B. industriel est d'autant plus faible actuellement que son avenir semble très incertain en regard de la concurrence des pays du Sud-est asiatique. De même que la promotion des produits manufacturés[100] n'a pas abouti aux résultats escomptés, à l'exception de la confection et des dérivés des phosphates.

On constate que la production dominante de ces trois pôles est plus destinée à la consommation et qu'elle souffre d'une absence d'industries à même de produire des biens et des moyens de production. En fait, quelle que soit l'orientation de sa production, substitution aux importations ou encouragement à l'exportation, l'industrie marocaine doit nécessairement s'approvisionner en biens d'équipement à l'étranger.

En matière d'emploi, le tissu industriel absorbe à peine 5 % de la population active, ce qui correspond en 1985 à 224.361 postes de travail contre 193.827 personnes en 1981[101]. En raison de la phase que traverse actuellement la formation économique et sociale marocaine, un important flux de force de travail existe entre les différentes composantes industrielles. L'importance de ce flux s'explique d'une part et puissamment par les structures agraires qui libèrent continuellement une partie croissante de la force de travail rurale, et d'autre part, par la faiblesse des salaires qui amoindrit le pouvoir d'achat des ouvriers.

Parmi les exigences du P.A.S., certaines mettent l'accent sur la nécessité d'un développement des capacités exportatrices du Maroc. C'est pourquoi, il a été question de "consolider les assises du capital privé (national et étranger) dans le système productif par un nouveau partage des parts et des rôles entre le secteur public et le secteur privé"[102]. Cela conduit au désengagement de l'État, qui semble privilégier la formule de la privatisation. Le Plan 1988-1992 retient la politique de désétatisation comme fer de lance pour limiter "la prolifération des entreprises publiques, dont beaucoup ne sont pas (...) utiles" et jugées défaillantes par "les erreurs de gestion, et les vices de structure du service public"[103]. Cette décision, qui a provoqué moultes débats passionnés et contradictoires, semble prévaloir malgré les critiques formulées par certains experts qui parlent d'une privatisation sanction. En effet, selon H. El Malki, le transfert au capital privé est présenté comme le remède à la mauvaise gestion des entreprises publiques ( et aussi pour renflouer les caisses du trésor public)! "Or, non seulement, c'est là un simplisme dangereux, mais à quelle logique obéit un privé qui accepte de prendre en charge des "canards boiteux" [104]. Il a fallu attendre presque une dizaine d'années, de débats publics et d'hésitations étatiques, pour qu'en octobre 1992 débute une gigantesque "O.P.A. sur le public". Mais les appels d'offres ne semblent pas attirer les investisseurs privés, alors que "le gouvernement espère recueillir quelque 3,5 milliards de Dh de la vente d'entreprises publiques, soit l'équivalent du déficit budgétaire"[105]et ce d'ici la fin de 1994. A ce jour, seules dix sociétés privatisables ont pu être transférées au privé sur les 45 qui ont été et évaluées[106].

Pêche maritime

Doté de deux façades maritimes, la Méditerranée au nord et l'Atlantique à l'ouest, le littoral marocain long de 2850 km, et surtout grâce à sa plate-forme continentale, abrite une considérable zone de pêche à l'intérieur même d'une des régions les plus productives en espèces ichtyologiques de l'Atlantique (FAO. Belvèze H. 1982 ).

Ces ressources sont estimées à un potentiel exploitable (équilibrium catch) de 1 à 1,5 million de tonnes par an. Le volume des prises débarquées au pays, s'élevant depuis 1970 de 200 à 550.000 tonnes par an, provient essentiellement des petites unités de pêche côtière, qui appareillent depuis des quartiers maritimes urbains ou des sites villageois. Loin donc de compromettre ses disponibilités, le Maroc peut prétendre à une meilleure vocation maritime.

Aujourd'hui le développement du secteur de la pêche et de ses dérivés est retenu comme une priorité nationale au même titre que l'agriculture. L'Etat lui confère, en effet, un rôle de plus en plus grandissant dans la mesure où il conjugue le motif alimen­taire face à un déficit agricole et le mobile financier par l'ac­croissement des exportations. Pour ce faire, le plan quinquennal 1981-1985 a mis sur pied un nouveau dispositif de mesures juridi­ques et institutionnelles, à partir duquel pourrait être échafau­dée une stratégie de développement du secteur de la pêche: création d'un Ministère de la pêche, nationalisation de la mer par l'institution d'une Zone Economique Exclusive de 200 miles marins (370,5 km), un code d'encouragement aux inves­tissements dans le secteur, projet de création de villages de pêcheurs, modernisation des techniques de pêche, de transformation et de distribution...

4. La Pression démographique

Après cette esquisse des politiques agricoles et industrielles mises en oeuvre en Algérie et au Maroc depuis les années 60, il convient de s'arrêter sur trois indicateurs importants : la démographie, le chômage et les espoirs des élites au sujet d'une relance économique à partir des investissements étrangers

En l'espace d'une trentaine d'années, la structure démographique a profondément changé de physionomie, le fort taux de croissance de 3 % des années 70' et 80', a principalement contribué à un large rajeunissement de la population. Les moins de vingt ans représentent aujourd'hui environ 60 % de la population totale.

Trois recensements généraux de la population ont eu lieu au Maroc et Algérie. En 1960, 1971 et 1982, la population marocaine est passée de 11,06 millions à 15,23 et 20,35. Quant à la population algérienne elle est passée entre 1966, 1977 et 1987, de 11,82 millions à 15,64 et 22,60. Selon le taux de croissance déjà mentionné, on peut estimer le nombre de la population en 1994 à environ 27,5 millions d'habitants en Algérie et aux environs de 28 millions au Maroc. En matière de chiffres démographiques la prudence doit être la règle, tant les disparités entre sources officielles, organismes privés et chercheurs, demeurent marquées.


ALGÉRIE

MAROC

INDICATEUR

Unité

1975

1988

1990

1993

1975

1988

1990

1993

Population

million

15,6[107]

23

24,8

27

17,3

24,1

25,4

27,3

Croissance annuelle

%

3,1

3,3

2,7

2,5

3,1

3,0

Densité

hab./km2

7,1

9,6

38,7

34

pop. urbaine

%

61,2

66,6[108]

70,8

35,2[109]

44,5[110]

47,4[111]

pop. rurale

%

38,8

34,4

29,2

64,8

55,5

52,6

espérance de vie

année

65,7

54,2

63

taux de fécondité

enfant

8,1

4,8

6,5 [112]

4,5

taux de natalité

_

30,7

30

41,1

35

taux de mortalité infantile

_

100

60

97 [113]

82

taux de mortalité

_

16,7[114]

6,6

7,4

7

11,7[115]

1 médecin pour 1000 hab.

_

0,43

1

0,09

0,05

taux femmes

%

49,9

taux hommes

%

50,1

pop. de - 15 ans

%

44

46,1[116]

42 [117]

pop. de - 30 ans

%

59,1

70

76 [118]

Sources : Pour l'Algérie cf. Lakehal M.,1992; pour le Maroc cf. Lahlou M, 1992; et périodiques divers

A partir du tableau ci-dessus, on observe que l'évolution de la croissance démographique en Algérie, a connu de fortes amplitudes ces deux dernières décennies. C'est que la baisse de la mortalité (16,1% à 6,6% entre 1970 et 1988) a été plus rapide que celle de la natalité (moyenne de 30%). D'autres facteurs interviennent, cependant, dans l'explication de la structure démographique actuelle, parmi lesquels on citera le degré de scolarisation des filles, l'accès à l'emploi des femmes, l'aggravation des conditions de vie des populations qui a joué un rôle non négligeable dans le recul de l'âge du mariage et la crise de l'espace domestique.

Les caractéristiques socio-démographiques marocaines, font ressortir une quasi égalité des sexes (49,9 % de femmes et 50,1 % d'hommes). La pyramide des âges est fortement marquée par les personnes âgées de moins de 35 ans et qui représentent 76 % de la population totale; quand aux personnes âgées de moins de 15 ans , elles constituent à elles seules 42 % de la population marocaine[119]. L'analphabétisme qui sévit au Maroc depuis très longtemps, frappait lors du dernier recensement 65 % de la population âgée de 10 ans et plus, et en 1989 près de 50 % des jeunes marocains en âge de scolarisation sont abandonnés à l'extérieur des écoles[120].

Le nombre des ruraux et des urbains tend à s'équilibrer respectivement entre 47,4 % et 52,6 % contre 65 % de ruraux en 1971. Le "développement inégal"[121] qu'a connu la société marocaine par la marginalisation des catégories sociales du monde rural a abouti ces dernières années à un inversement des rôles, à savoir qu'aujourd'hui c'est à la ville qu'incombe la tâche de nourrir les ruraux, c'est des structures urbaines que dépend leur survie.

5. Chômage et sous-emploi

L'extraordinaire pression démographique combinée à la faillite des économies publiques marocaine et algérienne aggravent le chômage endémique. La situation de l'emploi fort précaire depuis les années soixante, subit par ailleurs, les effets pervers des programmes d'ajustement structurel.

5.1 Maroc

Pour le Maroc, l'évolution du chômage et du sous-emploi doit être saisi dans une périodisation précise qui intègre trois secteurs : urbain, rural et informel.

En nous basant sur les études menées par El Malki et prenant en compte les résultats de l'enquête annuelle de la population active urbaine, le taux de chômage en 1988 est de 13.9 %. El Malki[122] fait, cependant, remarquer que "la situation positive de l'emploi en 1988 s'explique par une année de croissance exceptionnelle (+ 10%) et contraste avec 1987 où le taux de chômage fut de 14.7 %. En 1989, ce taux s'élève à 16.3 %.".

En milieu rural, la dernière enquête sur la population active rurale, datant de 1986-1987, permet d'établir un taux de 5.6 %. Et là encore, l'économiste El Malki fait observer qu'en "milieu rural le concept de chômage n'a de pertinence que s'il couvre une catégorie considérée à part par les statistiques officielles, celles du" sous-emploi visible". Une estimation plus réaliste donne un taux de chômage et de sous-emploi visible de 30 %".

L'addition des deux taux (16.3 % et 30 %) nous donne un taux de chômage global réel de 46.3 %. Toutefois, le troisième secteur considéré, soit le secteur informel[123], permet d'atténuer les effets néfastes du chômage en dépit "d'une politique fiscale inappréciée (qui) tente d'asphyxier (le secteur informel) par la généralisation d'une patente au risque d'étendre la crise de l'économie formelle à celle de l'économie informelle et de provoquer, partant, le passage d'une crise, jusque-là économique, à une crise socio-politique."

Dans le cadre de ce secteur informel, il convient de mentionner la production et le trafic des drogues. Selon l'observatoire géopolitique des drogues (OGDE) dans son dernier rapport 1992-1993 :" Le Maroc est, avec une production annuelle en 1992 estimée à plus de 150 tonnes de haschisch (résine de cannabis), le quatrième exportateur mondial de cette drogue. Il est le premier fournisseur de la France et de l'Espagne. Le trafic s'effectue selon trois axes: le premier emprunte les routes qui partent des grandes villes marocaines (...); le deuxième passe par l'Algérie et la Tunisie et le troisième par l'Afrique noire."[124]

La question du chômage et du sous-emploi n'est évidemment pas appréhendée et calculée de la même manière par les pouvoirs publics. A preuve, devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, lors de sa deuxième session à Genève (du 02.05.94 au 20.05.94), l'Ambassadeur G. BENHIMA s'est contenté d'indiquer sommairement que le chômage touche 16% de la population urbaine, dont 13% et 25,3% de femmes (voir tableaux ci-après).

MAROC : Taux de chômage de la population urbaine selon le sexe et l'âge.

AGE

2 sexes

Masculin

Féminin

1992

1991

1992

1991

1992

15 - 24 ans

30,0

30,3

27,5

35,3

35,8

25 -34 ans

20,8

19,8

17,0

25,4

29,2

35 - 44 ans

5,5

4,7

3,6

9,5

12,9

45 - 59 ana

3,4

3,3

2,9

6,8

6,0

60 et plus

1,9

2,9

1,6

4,4

3,9

TOTAL

16,0

13,0

25,3

Source : Rapport soumis au comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies ( 10 e session, Genève, du 2 au 20 mai 1994 ), par le Représentant permanent du Maroc, l'Ambassadeur Ghalli Benhima, auprès de l'office des Nations Unies à Genève et des organisations internationales en Suisse, page 3.

Note : Devant la même session, un autre expert marocain affirme que les évaluations du chômage des diplômés varient entre 100.000 et 120.000, soit 10 % du nombre des chômeurs (1,097 Million en 1991)


5.2 Algérie

En Algérie, les sources officielles révèlent un taux de chômage plus important qu'au Maroc, 26,7 % de la population active en 1989[125], aggravé par une augmentation annuelle des demandes d'emploi de 20,6 %, alors que les offres d'emplois baissent de 8,9 %.[126] Il convient d'apprécier ces chiffres à la lumière de l'évolution discontinue du chômage et du sous-emploi sur la période 1966-1989, avant d'essayer d'en saisir la causalité essentielle. D'après deux économistes algériens (cf. note 1), cette évolution articulée aux trois recensements de 1966, 1977 et 1987 donne les taux suivants:

1966: 32,9%, 1977: 22,0%, 1987: 22,5% et 1989: 26,7%.

Ces fluctuations du chômage et du sous-emploi s'expliquent, évidemment, par le volume annuel de création d'emplois et par d'autres paramètres. C'est ce qui ressort de la mise en exergue de la périodisation suivante:

1. 1963-1971: Réorganisation de l'économie algérienne et émigration.

L'emploi augmente annuellement de 52 000 unités; le départ des Européens créent des opportunités d'emploi qui ne s'inscrivent pas nécessairement dans une politique sociale cohérente. De plus, les luttes politiques intestines au sein du nouvel Etat maintiennent à l'arrière-plan les problèmes du chômage. Dans ce contexte, l'émigration est une aubaine: l'ONAMO (l'office nationale de la main-d'oeuvre, organisme chargé de la gestion des courants migratoires) délivre 25 000 cartes d'émigration par an entre 1963 et 1973. Durant cette période, sur 3 Algériens ayant un emploi, l'un est expatrié. Dès 1966, suite à la politique d'industrialisation volontariste de l'état, les effectifs dans les entreprises publiques gonflent. Combinés aux effets de l'émigration, il en résulte une baisse du taux chômage de 32,9% en 1966 à 22% en 1977.

2.1972-1984: Rente, industrialisation et croissance de l'emploi.

L'emploi augmente de 132 000 unités; le secteur des hydrocarbures nationalisé en février 1971 rapporte à l'état de substantielles ressources en devises. L'épuisement des possibilités d'émigration conduisent l'"état-Providence" à stabiliser l'emploi en multipliant, entre autres, les effectifs des administrations. Le taux de chômage passe de 24% à 15%.

3.1985-1989: Contraintes extérieures et explosion du taux de chômage.

Le volume annuel de postes de travail chute de 75 000 unités. Le retournement du marché pétrolier (les exportations d'hydrocarbures chutent de 40%) provoque une profonde déstabilisation de l'emploi: sur 132 actifs, seuls 31 trouvent un emploi.

En 1989, le chômage atteint des niveaux jusque-là inconnus: près de 1,5 million de demandeurs d'emploi représentant 26,7% de la population active".[127]


ALGÉRIE :

Activité, emploi et chômage par sexe lors des trois recensements et en 1989

1966

1977

1987

1989

Population totale

11.821.679

15.645.490

22.600.957

Population active

2.564.663

3.049.952

5.074.267

5.588.000

Population active féminine (%)

5,5

7,6

10.9

Taux d'activité total (%)

21,7

19,5

22,5

Taux d'activité des femmes (%)

1,8

2,6

4,4

Emploi

1.720.710

2.379.125

3.932.989

4.095.000

Emploi féminin

94.511

180.387

427.184

Chômage Général

843.953

670.827

1.141.278

1.493.000

Chômage féminin

14.942

23.310

65.260

Taux de chômage (%)

32,9

22,0

22,5

26,7

Taux de chômage féminin (%)

13,7

11,4

13,3

Source : M. Lakehal (dir.), 1992:176., Année 1989, voir page: 175.

Comme au Maroc, la dure réalité de ces exclus du travail déclarés[128] est pour certains atténuée par le développement des activités dites "informelles"[129] ("trabendo", commerce de détail et de l'occasion, ateliers de textile, contrebande...).

L'arrivée massive des jeunes générations sur le marché du travail devient un enjeu fondamental. Ainsi l'importante proportion des chômeurs âgés entre 15 et 29 ans, (plus d'un million, dont plus de 600.000[130] dans les deux pays), est constituée de diplômés avec parfois des titres universitaires de haut niveau. On comprendra dès lors que la détérioration du sous-emploi et des systèmes productifs, ait créé une situation de crise qu' illustrent amplement les révoltes urbaines et l'expansion de l'islamisme comme mode de contestation politique et référent identitaire antagonique et mobilisateur.

6. Les investissements étrangers

A début des années 90, les stratégies de relance économique ne se limitent plus à une réforme économique circonscrite au seul désengagement de l'état du système productif. Le capital privé n'étant pas en mesure de prendre la relève, une politique de séduction de l'investissement étranger a été adoptée par les élites dirigeantes. La croissance économique indispensable à leurs yeux pour libérer leur pays de la dette est jugée irréalisable sans la participation des investisseurs privés nationaux et surtout étrangers.

6.1 Algérie

- La loi de 1988[131], a innové en la matière en autorisant les entreprises publiques à contracter avec des investisseurs étrangers des "joint-ventures" et permettant également la création de sociétés mixtes en supprimant toute limite de partenariat à la participation étrangère dès la fin de l'année 1989.

- La loi d'avril 1990 portant sur la Monnaie et le Crédit, assortie d'un Code d'investissement "parachève le dispositif d'ouverture totale aux capitaux étrangers: 1.En autorisant les non-résidents à importer des capitaux, soit pour des investissements directs, soit pour des investissements de portefeuille, et à rapatrier le principal et les bénéfices générés par ces investissements; 2.En supprimant l'obligation de la participation de 51% du secteur public algérien; 3.En autorisant les banques étrangères à s'implanter désormais dans le pays".

Ainsi, outre une demi-douzaine de sociétés mixtes existantes à la fin des années 80, une dizaine d'accords[132] avec des investisseurs étrangers ont été depuis signés, dont les derniers avec des Américains, notamment la Mobil Oil Corporation qui vient d'allouer "55 millions de dollars à la réalisation d'un programme d'exploration au nord-est du champ pétrolier de Hassi Messaoud[133], selon la même source la SONATRACH a conclu le 31 juillet 1993 à Alger, un accord avec la fameuse firme BECHTEL pour la construction du tronçon algérien du gazoduc Maghreb-Europe. BECHTEL réalisera un pipe-line d'une longueur de 530 km, ainsi que l'ensemble des ouvrages annexes, dont un système intégré de télé-contrôle et de télécommunications. La valeur de ce contrat est de 305 millions de dollars, soit 3,2 milliards de dinars algériens.

- La loi du 30 novembre 1991 autorise les sociétés étrangères à participer jusqu'à hauteur de 49% à l'exploitation des gisements déjà en production ou à découvrir. Le premier ministre algérien, Sid Ahmed Ghozali, propose aux capitaux étrangers l'exploitation exclusive d'une partie du patrimoine national des hydrocarbures[134]. Il a même déclaré qu'il est "en panne" d'autres solutions meilleures pour "survivre" et relancer la croissance économique. Le capitalisme international, longtemps décrié et craint, est aujourd'hui sollicité par l'application d'une nouvelle stratégie d'ouverture totale sur l'extérieur. L'Algérie semble, néanmoins, souffrir de sa situation interne qui handicape ce train de mesure d'ouvertures exceptionnelles. En effet, la disponibilité d'un marché et de lois favorables ne suffisent plus pour attirer le capital étranger. Celui-ci hésite en appréciant d'autres facteurs tels que la dette publique, le pouvoir d'achat local et les menaces proférées à son endroit par des mouvements extrémistes d'obédience islamiste et la violence aux effets incontrôlables des pratiques dites anti-terroristes menées par certaines fractions du pouvoir politico-militaire (partisans du tout sécuritaire au sein de l'armée et des services secrets).

Il convient de souligner que récemment, la chambre française du commerce et de l'industrie en Algérie a décidé le gel total des investissements français suite à de nombreux assassinats perpétrés contre des ressortissants français.

Cette menace semble toutefois d'une inquiétude moindre pour le chef de la Division II de la DFAE, Heinrich Reiman, qui voit dans "les islamistes algériens de bons libéraux ...(et que)... s'il devaient prendre un jour le pouvoir et rétablir l'ordre, alors les affaires pourraient redémarrer"[135].

Actuellement, seule une vingtaine de sociétés suisses sont représentées en Algérie à travers de simples agences de livraison de matériel pour un montant de 41 millions de francs suisses en 1993. (comparativement au Maroc, la présence helvétique se manifeste pour la même année par un investissement de presque 200 millions de francs suisses de huit des dix-huit entreprises helvétiques déjà installées dans le royaume.[136]

6.2 Maroc

Le Maroc étant au bénéfice d'une apparente stabilité et de mesures fiscales très encourageantes profite partiellement des dividendes de la situation algérienne. A telle enseigne que l'investissement étranger des dernières années a largement dépassé les apports de l'Etat. Ainsi, en 1992, les investissements directs étrangers ont atteint 460 millions de dollars représentant une augmentation de 29 %, et plus de 600 millions de dollars en 1993[137] dont 25 % investis dans entreprises à privatiser . Les principaux pourvoyeurs de capitaux étrangers sont plus que jamais originaires de l'union européenne, à leur tête la France avec 23,7 % et l'Espagne 18,8 % des capitaux investis en 1992. Les investissements français en particulier, selon les autorités marocaines ont connu une évolution positive, passant de 91,1 milliards de DH en 1984 à 304,7 milliards en 1988 et leur part dans le total a augmenté sensiblement passant de 13,9% à 28,8% durant la même période.

Selon S. Benachenhou[138], "la stratégie globale (de l'investissement étranger) semble être un désengagement progressif de l'industrie.". Cet investissement se concentre pour un tiers dans l'immobilier, pour un quart dans l'industrie et pour 10% dans le tourisme. En revanche, les investissements en provenance des pays arabes sont en nette régression, passant de 34,3 % à 13,3 % de 1983 à 1992[139]. Nous mentionnerons également la forte progression des investissements suisses qui passent de 5 % en 1973[140] à 32%[141] en 1993.

Enfin, les investisseurs maghrébins sont quasiment absents, l'Union du Maghreb Arabe est loin d'être une réalité économique. Il est intéressant, par contre, de noter que les échanges avec Israël sont chiffrés à 100 millions de dollars[142].

7. Impacts de l'émigration

sur les économies marocaine et algérienne.

Si, durant les années soixante, trois Maghrébins sur quatre, résidant en France, étaient algériens, aujourd'hui la communauté marocaine s'avère être la plus dynamique, en couvrant la moitié de l'accroissement de la population étrangère en France. Et ce grâce à sa forte fécondité conjuguée à la faiblesse des naturalisations .

Immigration maghrébine en France

1968

1988

Algériens

471.020

820.900

Marocains

88.200

516.400

Tunisiens

60.180

202.600

Source : Escalier R., 1992:95

Les effets sur l'économie des pays de ces deux communautés, en terme de transferts d'épargne sont diversement appréciés par leurs états respectifs.

7.1 Algérie

L'état algérien, sans doute à cause d'un nationalisme plus ombrageux et des devises provenant des hydrocarbures il y a peu encore, n'a jamais défini de politique attractive de l'épargne de ses émigrés. Cette absence de stratégie officielle a favorisé l'émergence d'un marché parallèle de change et de flux de marchandises particulièrement florissant. Ce flux souterrain ne peut figurer dans les chiffres officielles, qui eux seuls portent à croire que le transfert d'épargne est en forte régression, même si il est vrai qu'on assiste également à un recentrage de l'épargne au sein de l'économie française, en attendant une hypothétique accalmie des perturbations algériennes.

Transferts d'épargne des émigrés résidant en France (en millions de FF courant)

1971

%

1984

%

1988

%

ALGÉRIE

778

16,4

34

0,2

14

0,1

MAROC

363

7,6

4.091

25.7

4.322

30,3

Total étranger

4.538

100

15.527

100

14.255

100

Source : L'Etat du Maghreb, 1992: 479.

7.2 Maroc

Le Maroc quant à lui, a toujours su favoriser le rapatriement des économies de ses immigrés " en leur offrant certains avantages sous forme de primes, de taux d'intérêt attractifs, de facilités de crédits au logement"[143] à la création d'entreprises..

En 1992, les résidents marocains à l'étranger ont transféré plus de 2 milliards de dollars, une manne qui a permis aux autorités de contenir le déficit des opérations courantes[144].


Conclusion

L'heure des bilans a-t-elle sonné au Maghreb?

Quel sort cette région du monde va-t-elle connaître au début du prochain millénaire?

Quels rapports vont-ils se nouer entre les pays des deux rives de la Méditerranée?

Quelles réponses, les pays de l'Union Européenne et les États-Unis d'Amérique en particulier, apporteront-ils aux attentes des différents acteurs politiques de la scène marocaine et algérienne notamment?

Ces questions en recouvrent d'autres bien entendu, et les solutions optimistes ou satisfaisantes pour les uns comme pour les autres ne relèvent ni de l'improvisation, ni du volontarisme. Il n'en demeure pas moins que certaines observations peuvent être posées.

L'islamisme est sans doute l'objet aujourd'hui le plus préoccupant. La nébuleuse ou le caractère "frontiste" qu'il constitue, montre deux tendances, l'une "réformiste", l'autre "radicale".

La première au Maroc comme en Algérie, bien que les situations ne soient pas superposables, semble s'accommoder de l'existence des Etat-nations, elle avalise donc l'existence d'un ordre politique distinct de l'ordre divin. Cette évolution vers la "compromission" relève autant de la realpolitik que de l'auto-appréciation de sa force politique interne face au pouvoir en place et à ses autres contestataires "laïcs". La référence à l'ordre divin comme à la chari'a, auront permis à ce courant de gagner à sa cause les victimes d'un ordre social profondément inégalitaire. Ce courant fort de cette "représentativité" populaire acquière ainsi un droit de cité. Il peut dès lors vouloir jouer la carte des élections législatives ou présidentielles, étant sûr qu'il peut les gagner. Majoritaire dans le jeu politique, il peut à sa guise gérer "islamiquement" la société sur le modèle saoudien ou iranien ou le sien propre.

Le deuxième courant est plus nettement celui de la désespérance populaire. Il est déjà en rupture avec le premier, il inscrit son action dans une "rationalité par les valeurs " et non à l'aune des résultats immédiats. La religion ou la religiosité dans ce cas, n'est pas un outil de promotion individuel ou politique, mais bien l'expression du salut collectif. Le terrorisme ou le maquis apparaissent donc comme les moyens indiqués de détruire l'Etat apostat et de lui substituer l'Etat de Dieu.

Ces deux courants sont-ils en voie d'institutionnalisation au Maghreb? Et pour le dire concrètement s'agissant du Maroc et de l'Algérie, y a t-il déjà connivence entre un Abassi Madani et un Abdessalam Yacine d'une part, un Abdelkrim Motii et les chefs du GIA d'autre part? Laissons l'hypothèse ouverte, d'autant qu'il faut intégrer à ces données les sensibilités qui s'expriment ou peuvent s'exprimer sur ce terrain, en Tunisie, en Libye et en Mauritanie.

Par rapport à ces deux expressions, les coalitions d'opposition paraissent peu assurées, fragiles ou franchement haineuses.

Les "démocrates" maghrébins ou de manière plus générale l'élite politique de ces pays, produisent une rhétorique nourrie de jacobinisme. Beaucoup d'analystes trouvent, à juste d'ailleurs, dans certains courants de la Révolution française l'origine du "totalitarisme" algérien d'aujourd'hui. Il est vrai que l'expérience coloniale a très peu servi à transplanter la démocratie dans ce pays et il n'est rien d'étonnant de constater que les dirigeants de l'Algérie indépendante n'ont retenu que les aspects les plus autoritaires de la phase historique ouverte par 1789, y trouvant de quoi largement consolider et légitimer leur appropriation du pouvoir.

Si au Maroc le processus de délégitimation religieuse n'a pas encore produit d'effet significatif, la monarchie ne peut pas survivre à partir de ses seuls acquis de monopolisation de l'ordre symbolique.

Les partis d'opposition, en se situant très peu dans le cadre de la religiosité (exception faite de l'Istiqlal), n'offrent pas réellement d'alternative et sont loin de capitaliser, d'une manière ou d'une autre, le mécontentement social d'autant plus grandissant qu'il y a l'exemplarité de la poudrière algérienne et ses issues potentielles.

Ainsi, la voie dans ces deux pays, d'un pacte politique entre des oppositions "modérées", un prince réformiste ou un pouvoir militaire "inébranlable", ne semble pas praticable. Le jeu politique, pour l'heure, est bloqué, en Algérie, plus qu'au Maroc, il nous paraît figé, mettant dans un très dangereux face à face, les tenants d'une voie pacifique (comprenant bien entendu des islamistes), et ceux de la violence (éradicateurs, forces armées de l'Etat et de l'islamisme radical).


Annexes

Annexes Nº.

Titres des documents

1

Code algérien de la famille

2

Organigramme de la nébuleuse islamique

3

Carte de la violence

4

Trois maîtres à penser

5

Interview de Rabah Kebir

6

Un système économique incertain

7

Communautarisme en Grande-Bretagne

8

Coexistence en Allemagne

9

Populations musulmanes de Suisse Romande

10

L’islamiste qui embarrasse la Suisse

11

Rectifions l’image de l’islam

12

Le premier congrès musulman romand

13

La Cause, journal du FIS en Suisse, Nº 2 et 10

14

FLN, résolution politique, décembre 1994

15

FLN, résolution organique, décembre 1994.

16

FFS, Algérie, briser le silence

17

Hocine Aït-Ahmed adresse devant l’Université d’été du parti socialiste belge, 29.08.94.

18

Hocine Aït-Ahmed, allocuzione nella sede della Comunità cattolica di Sant’Egidio a Roma ( 21-22 novembre 1994).

19

Naissance et reconnaissance kabyles

20

Maroc, ce que le Roi a dit à l’opposition

21

Drogue: la piste marocaine

22

Sur le Sahara Occidental : Yacine et Motii


Bibliographie

Les références bibliographiques sont données dans l’ordre de leur apparition dans le texte. Cette bibliographie indicative, ne reflète ni la documentation utilisée, ni la production théorique et historique sur le Maghreb.

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[1] Mohammed ARKOUN "Pour une critique de la raison islamique" Maisonneuve & Larose. Paris 1984

2 Asâla est lié à la racine a.s.l qui exprime l'idée d'origine-racine-base-fondement. La même racine se retrouve dans le pluriel usûl= fondements, sources de la religion dans l'expression usûl al-dîn; ou du droit dans l'expression usûl al-fiqh.

3 Il convient ici de souligner que la véhémence de l'affirmation d'une rationalité d'essence divine, orientant, fécondant ce qu'on nomme histoire de l'islam, n'a d'égal que l'expansion de l'imaginaire collectif nourri précisément des images idéales inlassablement reprises par des discours mobilisateurs, sermons dans les mosquées, conférences, prêches sauvages etc.

[3] docteur hanbalite mort en 1328 auteur d'un traité de droit public

[4] Ghassan Salamé, Démocratie sans démocrates, politiques d'ouverture dans le monde arabe et islamique, Fayard 1994.

[5] Susan George, "Jusqu'au cou: enquête sur la dette du Tiers-Monde, La Découverte, Paris 1988.

[6] Voir à ce sujet Charles Rizk, "Les Arabes ou l'histoire à contresens", Albin-Michel, Paris 1993

[7] Il faut relever que les états maghrébins ont tous opté pour le modèle jacobin. Retenons aussi que la définition de la nation héritée de l'Europe bourgeoise du XIXe siècle, ne résiste pas à l'analyse historique, sociologique et culturelle moderne. La langue, la religion, la culture, les expériences communes invoquées aujourd'hui pour cimenter l'unité nationale permettent de franchir une étape; mais elles changent sans cesse de contenu, de fonctions, d'importance dans la conscience des citoyens. Que dire aujourd'hui des croyants et des militants islamistes au Maghreb qui se réfèrent exclusivement à la Umma (communauté des croyants), concept qui bat en brèche celui de nation considéré comme un avatar de l'impérialisme français.

[8] On continue de penser la décolonisation algérienne, en termes de révolution, avec tous les accents qui relèvent d'un lyrisme convenu et surtout en usant et abusant des sacralisations héroïques (leaders historiques etc.).

[9] Hassan II, discours de la fête du trône, 3 mars 1991. Cependant, il faut signaler que depuis, la constitution a été amendée et comporte dans son préambule une assertion proclamant l’adhésion du Maroc aux principes universels des Droits de l’Homme. Ajoutant également qu’en 1994, en décrétant une amnistie en faveur des prisonniers politiques et des exilés, Hassan II veut donner une autre image de lui-même et accréditer l’idée que les Droits de l’Homme sont respectés chez lui.

[10] Ahmed Rouadjia "Grandeur et décadence de l'Etat algérien", Karthala, Paris, 1994, p.11

[11] Zaouia est rendu généralement en français par confrérie religieuse et Makhzen par Etat central. Il y a en outre référence à deux espaces, la zaouia renvoie au lieu où se réunissent les partisans d'une voie mystique (tariqà) pour la méditation, la prière et la perpétuation de la tradition instituée par le fondateur; le Makhzen désigne l'instance où s'accumulent les moyens majeurs de gouvernement, le trésor, la bureaucratie, l'armée. Quant à la tribu, elle a fini par prendre tous les sens , par recouvrir toute une série de contenus. Ainsi, pour les uns il y a la tribu-nation, la tribu-parti, la tribu corps de troupe etc. Pour lesautres, l'organisation tribale est vue à travers l'image d'une multiplication à partir de la famille biologique: la famille, la farqa (clan),la djémâa (assemblée).

[12] voir notre ouvrage "La formation sociale marocaine de la fin du XIXe siècle à la marche verte (l975) ", pp. 36.37, Ed Piantanida, Lausanne l983; l'historiographe marocain Akansus Mohammed, définit assez strictement les conditions d'investiture du sultan telles qu'elles découlent de la Bey'a et que nous résumons ci-dessous:

Le sultan doit remplir 6 conditions pour être investi en tant qu'Imam: il doit être pubère, de sexe masculin, de condition libre, sain de corps et d'esprit, quraïshite et 'adel ( non dans le sens de juste ou équitable, mais dans le sens juridique d'homme honorable de bonnes moeurs).

[13] On doit en effet relever que si ces conditions (cf. note supra) sont relativement faciles à réaliser, celles qui fixent la déposition légale du sultan apparaissent selon les mêmes sources hautement improbables à réaliser. Les raisons de détrôner un sultan déjà investi sont limitativement fixées: parjure, emprisonnement par l'ennemi, folie ou infirmité; les uléma soulignent que l'impiété et l'immoralité ne justifient pas une déposition. Ces mêmes uléma quand ils sont appelés à désigner l'Imam doivent remplir trois conditions majeures: être honorables, versés dans les sciences religieuses et doués d'une intelligence politique.

[14] YACINE (Abdessalam). "Al Islam bayana ad-dawla wa ad da’wa" (l'Islam entre l'Etat et l'appel islamique), Casablanca, An Najah, 1971-72 p. 81.

[15] Succession du Prophète à la tête de la Umma musulmane pour assurer la pérennité des pouvoirs spirituel et temporel.

[16] Texte de bey'a lu par Habib Allah Ould Bouh, Qadi de Dakhla, Bulletin Officiel No 3490, 28 choual 1399 / 20 septembre 1979.

[17] Abdallah Laroui, "Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain", Maspéro, Paris, 1977, p. 103, précise "si l'autorité des 'alims (uléma ) est (...) réelle et importante elle est différente de celle des shârîfs. Ceux-ci dépendent tous les jours des libéralités sultaniennes , mais ils jouissent d'une autorité étrangère au Makhzen, qui peut même dans des conditions favorables, comme le soutien d'une Zaouia locale, se détacher et se transformer en pouvoir politique concurrent. les 'alims, quant à eux sont relativement autonome, mais leur autorité est co-naissante pour ainsi dire avec le Makhzen qui ne leur appartient pas. Ils exercent un pouvoir indispensable, mais qui n'est pas suffisant en lui-même, tandis que celui des shârîfs, qui n'est pas indispensable puisque le Maroc a su s'en dispenser des siècles durant, peut tout de même se suffire"

[18] Abdallah Laroui, op. cit. p. 103.

[19] Abdallah Laroui, Islam et modernité, La Découverte, Paris 1987.

[20] M. AL AHNAF, B. BOTIVEAU, F. FREGOSI, l'Algérie par ses islamistes, Paris, Karthala, 1991, p.21

[21] S. LABAT, Le Nouvel Observateur, nª 1553 du 7 au 17 août 1994, p.7

[22] S. LABAT, op.cit., p.7

[23] S. LABAT, op.cit., p.7

[24]

"Lorsque l'Etat connaît une crise de légitimité, l'intervention de l'armée, de son propre chef ou à la demande d'une partie de l'élite au pouvoir, apparaît comme une solution beaucoup plus "naturelle" dans un système politique autoritaire que le recours à la démocratie. Cette intervention liée aujourd'hui, du fait de l'exemple algérien, à l'opposition aux islamistes n'a pas dans la longue durée une signification aussi marquée au Maghreb qu'en Amérique latine. Mais les intérêts corporatistes des officiers, la volonté de préservation de l'autonomie et des ressources nécessaires au fonctionnement de l'institution militaire, le sentiment de décalage avec une société politique touchée par la corruption, divisée et apeurée, y constituent les éléments déterminants d'un processus d'engagement des militaires dans le fonctionnement des institutions étatiques, associé ailleurs depuis longtemps à l'image du pouvoir autoritaire. Avant de s'engager dans cette voie, les militaires ont souvent été sollicités au Maghreb pour réprimer les émeutes urbaines, s'opposer aux syndicalistes et plus récemment aux islamistes". Rémy LEVEAU, Le sabre et le Turban. L’avenir du Maghreb, Paris, François Bourin, 1993, p.205.

[25] C'est surtout dans le cadre universitaire que se manifeste ce mouvement particulier: ce qu'on appelle le "groupe de la fac'centrale", étudiants et enseignants de la petite et moyenne bourgeoisie animés par une idéologie islamiste -tendance Djazara-algérianiste) se retrouvant actuellement dans le FIS- exprimant un contre-projet de modernisation économique restant conforme aux traditions.

voir à ce sujet le dossier "ALGÉRIE" fait par M.S. et E. GERBER-BOUSLAMA de l'Organisation Suisse d'Aide aux Réfugiés (OSAR), édité en décembre 1993.

[26] S. LABAT, op.cit

[27] Le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques créé en octobre 1946, suite à l'interdiction du Parti du Peuple Algérien, est la véritable matrice nourricière et organisationnelle du FLN.

[28] Parti créé en mars 1937 par Messali Hadj et interdit le 29 septembre 1939. Le MTLD sera le "paravent légaliste" du PPA.

[29] F. Aichoune, R. Backmann, le Nouvel Observateur, Nª 1553, p25.

[30] Lahouari ADDI, l’Algérie et la démocratie, La découverte, Paris, 1994.

[31] S. LABAT, op.cit., p.8

[32] S. LABAT, op. cit. p. 8

[33] F. AICHOUNE et R. BACKMANN, op.cit., p. 7

[34] F. AICHOUNE et R. BACKMANN, op.cit., p 7

[35] Soit 1 Jama'at al Wa'd wal Irchad (Casablanca), dont l'activité était alors concentrée sur la formation des prêcheurs, 2Jam'iyat ad da’wa al islamiiya (Chaouen), qui se limite à l'animation religieuse de ses membres, pour la plupart des professeurs

d'arabe, 3 Ansar al islam (Casablanca), 4 Ad da’wa ila alkhaïr û at tansûh (Oujda), 5 Ad da’wa ila al haq (Casablanca), 6 Allihaaq (Tanger), 7 Ansar al islam (Casablanca), 8 Jam'iyat ad da’wa ila al khair u ahl as sunna (Casablanca), 9 Jam'iyat al ba'th al islami (Oujda), 10Dar al Coran, 11 Ahl al lioua' (Nador), 12 Ikhwane as safa (Casablanca et Ouazzane), 13 Al harakat al qadyaniya (Casablanca), 14 Jam'iyat at tabligh wa ad da’wa (Casablanca, Rabat, Nador, Tiznit, Tanger, Ksar el Kebir), 15 Jam'iyat ach chebiba al islamiyya(Casablanca et Rabat surtout), 16 Jam'iyat ad da’wa ila Allah (Casablanca), 17 Jam'iyat ad da’wa al muhamadiya (Casablanca), 18 Jam'iyat tala'i al islam (Casablanca), créée en 1975 et proche des Frères musulmans, animée alors par des anciens de l'USFP, 19Jam'iyat inqad al Jahil li al wa'd al irchad (Casablanca), 20 Hizb at tahrir al islami(Tanger), 21 Jam'iyat Chabab an nahda al islamiyya (Rabat), 22 Jam'iyat al ba'th al islam (Tétouan), 23 Jam'iyat Jama’t ad da’wa al islamiyya (Fès); cf. Tozy, Mohamed, mémoire DES de sciences politiques et "Champ et contrechamp politico-religieux au Maroc", thèse d'État de sciences politiques (Aix-en-Provence U3, 1984, 437 p.).

[36] François BURGAT, L'islamisme au Maghreb, Karthala 1988, 304p.

[37] Voir pour plus de précision l'ouvrage d'Olivier Carré, Lecture révolutionna du Coran par Sayyid Qutb, Frère musulman radical, Paris, éditions du Cerf/Press de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1984, et mon article Ahmed Benani, Légitimité du pouvoir au Maroc: Consensus et contestation, Genève-Afrique, vol. XXIV-No 2-1986.

[38] Avant le Coran, les islamistes parlent d'une gentilité (jâhiliyya), c'est à dire d'une société polysegmentaire, caractérisée linguistiquement par la diversité des langues vernaculaires, religieusement par le paganisme, soit les "ténèbres de l'ignorance" selon une ision théologique fondée sur une fausse interprétation du concept coranique de jâhiliyya. Après le Coran, ces mêmes islamistes décrivent la montée irrésistible de l'Etat islamique fondé à Médine en 622 par le Prophète et l'épanouissement corrélatif d'une langue et d'une culture savantes.

[39] Cf. La révolution islamique, recueil des textes fondateurs du MJIM-SE, 1984.

[40] François Burgat, op. cit., p.188.

[41] Interview écrite adressée à Bernard Cohen pour le journal "Libération" et non publiée; citée par F. Burgat, op.cit. pp. 189-193. Voir aussi "Jeune Afrique" No 1262 du 13.3.1985.

[42] (A) Yacine, "La révolution à l'heure de l'Islam", Marseille, Imprimerie du Collège 1981. Yacine a en outre dirigé la revue de son groupe. "Al Jama'a" durant cinq ans avant qu'elle ne soit interdite.

[43] Voir l'analyse très exhaustive de cette lettre par (M) Tozy, in bulletin du Centre d'Etudes et de Recherches Internationales de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, N0 3, pp. 107-112. Tozy précise que "le texte de la lettre ne peut pas être réduit à un long acte d'accusation, il est beaucoup plus profond que cela, car outre l'aspect vindicatif (le plus spectaculaire), l'auteur fait fonctionner une chaîne référentielle, qui le met non seulement en posture de défier et d'admonester le Prince, mais surtout de proposer (ou de se proposer comme) un projet de société". Et d'ajouter "l'objectif de la critique (...) n'est plus principalement le Prince, mais les institutions politiques. L'enjeu aussi n'est plus le pouvoir, mais la capacité de mobilisation de la société autour d'une quotidienneté exemplaire. Si Yacine était le dernier "Don Quichotte" qui partit en solitaire à l'assaut de la citadelle du pouvoir, il n'en reste pas moins un précurseur du glissement vers une nouvelle forme de revendication politique qui a pour base Aljama'a: une communauté en lutte pour une société juste" p. 107

[44] Allusion aux deux tentatives de coups d'Etat militaires qu'a subi le monarque en juillet 1971 et août 1972.

[45] Allusion à Abd el Hafid sultan du Maroc, à Farouk roi d'Égypte et au président Nasser. Le premier a subi la critique d'el Kâttani qu'il a mis à mort, le second a affronté les foudres du fondateur des Frères Musulmans qui a fini au bout d'une corde, et Nasser a fait assassiner Sayyid Qutb.

[46] Mais de nombreux tracts, feuilles clandestines circulent tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays De plus outre l'ouvrage signalé plus haut, Yacine a publié en France (1987) une monographie sur le marxisme-léninisme.

[47] Source: décrit comme modèle à vocation universelle, en janvier 1981 dans le No 8 de sa revue "Al Jema’a".

[48] L'image télévisuelle, pour ne citer que cet exemple, est partout maîtresse des moeurs et des opinions, sinon des idées. Elle veut s'imposer comme discours vrai- "l'image ne ment pas"- à la différence du discours politique, telle est aujourd'hui un des éléments de l'imaginaire social. L'image télévisuelle n'est pas seulement document d'histoire, elle fait l'événement, et pose à l'historien, comme au citoyen, le problème de l'information, de son statut, de son mode de fonctionnement, voire de sa fiabilité.

[49] Voir les travaux de Felice Dassetto et Albert Bastenier en particulier, "Sciences Sociales et Islam transplanté" in Bruno Etienne (dir), L'islam en France, pp73-83, Paris, éd. CNRS, 1990

[50] Leveau (R.) et Schnapper (D.), " Religion et politique : juifs et musulmans maghrébins en France" in Leveau (R.) et Kepel (G.) (dir), Les musulmans dans la société française, op. cit.,pp.99-140.

Cf. notamment Andezian( S.),"Pratiques féminines de l'lslam en France", Archives des Sciences sociales des religions, 1983, n° 55/1, pp. 55-66 mais aussi Kepel Gilles, Les banlieues de l 'islam. Naissance d 'une religion en France, p. 27 et suivantes. Paris. éd. Seuil., 1987; Lewis (Bernard), et Schnapper (Dominique), Les Musulmans en Europe, Arles, Actes Sud, 1992.

Voir surtout, Cesari Jocelyne, Etre musulman en France. Mosquées, militants, associations, Paris, éd. Karthala, 1994.

[51] J. Cesari, op. cit.

[52] Salem CHAKER est professeur de berbère à l'Institut national des langues et civilisations orientales à Paris, in "Quelques évidences sur la question berbère", revue Confluences, No 11, Été 1994, l'Harmattan , Paris.

[53] Sur ce point, il y a lieu de relever deux situations particulières: 1. le mouvement culturel berbère (MCB en Algérie) qui sur cet aspect linguistique mène un combat déterminé et accompagné d'effets (existence d'une université berbère en Kabylie et enseignement de cette langue aussi bien dans les classes que dans la famille). 2. La promesse récente du gouvernement marocain de rendre obligatoire l'enseignement du berbère dans toutes les écoles primaires; décision historique qui équivaut à la reconnaissance du berbère comme langue officielle.

[54] Sur les origines de ce conflit et les positions des protagonistes régionaux voir notre étude "Sahara Occidental et affrontements nationalitaires dans le Maghreb", Ahmed BENANI in Genève-Afrique, Vol. XVII, No1, 1979.

[55] Le Conseil de sécurité de l'ONU a approuvé à l'unanimité en 1991, la résolution 690 qui a mis en oeuvre le processus d'autodétermination, la première étape de ce processus s'est concrétisé par l mise sur pied de la MINURSO (Mission Internationale des Nations-Unies pour le Référendum au Sahara Occidental). Mission dans laquelle la Suisse a joué un rôle extrêmement important.

[56] Il est important de souligner la légitimité religieuse des Hachémites, lesquels descendent de l'oncle du Prophète Al Abbas, ils se prétendent donc légataires de l'imamat que leur aurait cédé Abu Hachim, le fils de Mohammed Ibn al Hanafiya, à sa mort, en 718.

[57] Voir à ce sujet notre étude "Légitimité du pouvoir au Maroc". Ahmed Benani, Genève-Afrique, Vol. XXIV-No 2-1986, pp.47-72.

[58] Makhzen (mot arabe qui a donné magasin en français) signifie à la fois Etat, administration et ordre civil. Plus précisément le Makhzen désigne l'instance où s'accumulent les moyens majeurs de gouvernement, le trésor, la bureaucratie, l'armée.

[59] Habous: objet ou immeuble dont la dévolution successorale est arrêtée et l'usufruit affecté éternellement à une fondation pieuse ou à l'indivision des descendants. Les Habous au Maroc sont également un Ministère qui gère entre autres les mosquées et versent des salaires aux officiants; en contrepartie ces mosquées sont fermées entre les prières et on ne peut s'y réunir (danger islamiste) alors que les mosquées privées sont étroitement surveillées par la police. Mais il y a des limites à la prise en charge matérielle des lieux de culte; elle représenterait un gouffre financier compte tenu qu'en 1980 il existait 19000 lieux de culte dont 13000 privés. Le Ministère des Habous n'en coiffait pour sa part que 6000 y employant 20 481 personnes.

[60] Hassan II, discours du 1er février 1980, voir traduction française dans le journal gouvernemental "Le Matin du Sahara" 3 février l980.

[61] Hassan II, ibid.

[62] En 1988, la dette extérieure représentait plus de 120% du PNB au Maroc et plus de 40% en Algérie. D'un pays à l'autre, la structure de la dette ainsi que les détails de remboursement sont différents. Pour l'Algérie, 84% de l'endettement sont à moyen et long terme et 16% à court terme; plus de 81% des dettes sont dus à des créanciers privés et 19% seulement à des créanciers publics. Au Maroc c'est la situation inverse qui prévaut avec 75% d'endettement vis-à-vis d'opérateurs publics et 25% seulement vis-à-vis du secteur privé

[63] Du 5 au 10 octobre 1988, les grandes villes algériennes furent ébranlées par de graves émeutes du "ras-le-bol" quasi généralisé à l'ensemble de la société civile, et qui se soldèrent par des milliers de victimes et la ré appropriation permanente de l'espace urbain par l'armée. Très vite ce "ras-le-bol" massif exprimé pour délégitimer le F.L.N., va profiter aux thèses contestataires et mobilisatrices du F.I.S. pour déboucher lors des élections municipales (A.P.C.) de juin 1990, sur une écrasante victoire avec 55,4 % des voix contre 32,1 pour le F.L.N., et la suspension de l'éphémère processus de transition politique, instauré en 1989, par le Gouvernement Chadli

[64] Mohammed HARBI "L'Algérie prise au piège de son histoire", in Le Monde Diplomatique, mai 1994

[65] " L'appel à la Banque mondiale, à la C.E.E. ou à la France s'est traduit par l'accumulation d'une dette estimée à 27 milliards de dollars" (Eveno P., 1994:90).

[66] Akesbi N., 1991:445.

[67] Le Professeur A. Berrada (1993:18) analysant les moeurs dépensières des cadres "supérieurs" de l'administration et des entreprises publiques, a estimé à " 60.000 Dh (10.000 FS) par an [par cadre] la consommation à usage privé, mais au frais de l'État, d'eau, d'électricité, de téléphone et de carburant". Il poursuit plus loin que "cette forme de piratage, largement tolérée par l'État permet à plusieurs milliers de personnes et/ou familles de disposer gratuitement et à volonté d'une multitude de biens et services de confort". D'autres agents "moins supérieurs" ne s'autorisent-ils pas, eux aussi, des "branchements illicites en matières d'eau, d'électricité et de téléphone". (idem)

[68] La méthode utilisée par la Banque Mondiale ( Rapport de base sur l'économie marocaine, volume II, 1979) définit le seuil de pauvreté comme le niveau des dépenses nécessaires pour satisfaire les besoins vitaux d'un individu ou d'une famille. Ce niveau a été évalué à 1820 DH/ménage en 1959-60 et à 2492 Dh en 1970-71. P. Pascon et M. Ennaji (1986:35) qui citent cette méthode ont évalué le pourcentage de pauvres en milieu rural à 48,5 % en 1960, à 44,7 % en 1977 et à 77 % en 1984.

[69] 1989, Sources : tableau établi par l'auteur.

[70] 1985

[71] 1992

[72] 1986

[73] 1992

[74] 1985

[75] 1992

[76] 1989

[77] 1973

[78] 1979

[79] 1992

[80] 1989

[81] 1992

[82] 1989

[83] 1974

[84] 1989

[85] 1992

[86] 1992

[87] " L'Algérie indépendante a fondé sa stratégie de développement économique sur les concepts tiers-mondistes en vogue dans les années soixante: industrialisation rapide, priorité à l'industrie lourde, urbanisation accélérée (...) par opposition au modèle capitaliste représenté par l'ancienne métropole coloniale". P. Eveno, 1994:53.

[88] Mara-Bneder, analyse des potentialités agricoles et des perspectives de développement de l'irrigation, Alger, 1975. Cité in LAKHAL M. (dir.), 1992:79.

[89] En cette année (1962), tout le secteur agricole s'effondra à cause des machines sabotées ou vendues, les circuits d'approvisionnement et de commercialisation perturbés et la raréfaction d'un travail qualifié.

[90] Le Ministère de l'Hydraulique avance le chiffre de 335.700 ha, 1987.

[91] FAO, "statistiques des pêches", Vol. 68, 1989:93

[92] la conception de ce modèle qui a été élaborée par F. Perroux, G. Destanne. De Bernis et S. Amin. (cf. bibliographie) s'articulaient à travers les considérations suivantes :

" - Mettre en valeur les ressources du pays (avant tout les hydrocarbures) et les exporter pour disposer des moyens d'échange nécessaires à l'importation d'équipement.

- Implanter une industrie lourde (sidérurgie et pétrochimie) capable de transformer les richesses naturelles du pays et de fournir des demi-produits aux secteurs d'activités principaux : BTP, industries manufacturières, agriculture.

- Développer les industries métallurgiques, mécaniques et électriques pour fournir les équipements courants à tous les secteurs d'activités et accroître le degré d'intégration intersectorielle de l'économie.

- Développer les industries de biens de consommation nécessaires pour satisfaire les besoins de la population en produits de première nécessité.

- Enfin, par la réalisation de tous ces objectifs, l'industrie algérienne devait créer de très nombreux emplois et contribuer à résoudre les distorsions économiques et sociales engendrées par la colonisation entre les diverses régions du pays". ( Ollivier M., 1992:116)

[93] Hireche Assia, " Impacts financiers en 1995 et 2010 de deux politiques énergétiques",

Marchés Tropicaux, n°. du 27 avril 1990:1150

[94] Malgré les restrictions du programme de l'ajustement structurel, il a été maintenu de construire un grand ouvrage hydraulique toutes les deux années, " cela portera le nombre des barrages de retenue achevés et en construction à 32 en 1989 dont 18 sont utilisés pour l'irrigation" (Khrouz D., 1992:123)

[95] Alors que chaque type d'activité devrait contribuer à l'effort économique au prorata des profits qu'elle en tire, l'agriculture dans son ensemble a été exonérée des impôts jusqu'en l'an 2000. Khrouz D. note que les subventions étatiques doivent être calculées pour ne pas continuer à aggraver les disparités sociales, surtout quand " les impôts indirects sont très lourds au Maroc. Leur poids est supporté plus durement par les catégories sociales à revenus faibles" (1992:123)

[96] SODEA : Société de développement agricole, SOCETA : Société de gestion des terres agricoles

[97] ibid

[98] ibid, page 148.

[99] Jaidi L., 1992:100.

[100] Parmi les principaux produits manufacturés des PME, destinés à l'exportation sont : Textiles , cuir, conserves de légumes et de poissons, pâte à papier, composants électriques,

[101] Ibid page 104

[102] Jaidi L., 1992:114.

[103] "Discours d'orientation prononcé au cours de la cérémonie d'ouverture (parlement) par S.M. Hachant II.", in "Le Matin du Sahara", 9 avril 1988.

[104] El Malki H., " La privatisation, pour quoi faire ?", in Lamalif, n°. 192:6-7.

[105] Massou A., " O.P.A. sur le public ", in Jeune Afrique, n°1732 (Mars), 1994.

[106] Dont la Cimenterie de l'Orientale a été cédée au Suisse Holderbank pour la bagatelle de 612 millions de Dh, alors que le total des neuf autres avoisinent les 720 millions de Dh.(cf. note supra)

[107] recensement de 1977

[108] 1987

[109] 1971

[110] 1986

[111] 1992

[112] 1985

[113] 1986

[114] 1970

[115] 1985

[116] 1971

[117] 1982, Lahlou M, 1992:63

[118] 1982, ibid, ce taux concerne les personnes âgées de moins de 35 ans.

[119] Lahlou M, 1992:63.

[120] Lahlou M, 1992:63.

[121] El Malki H. cité par De Barrin Jacques, " Fragilités marocaines", Le Monde du 24.6.1993.

[122] El Malki Habib "Le Maroc actuel", op. cit. p 319 et s.

[123] Commerce de détail, ateliers de textile, contrebande..., d'après une déclaration faite devant le conseil du gouvernement, le chiffre d'affaires de la contrebande serait de 9 milliards de DH, soit 19,3% des importations, 31,8% des exportations et 49% du déficit commercial en 1989.

[124] Le même rapport précise "qu'en matière de cocaïne, les trafiquants marocains tiennent le haut du pavé depuis la fin des années 1980. Les cartels sud-américains alimentent une filière marocaine particulièrement active (...).Les statistiques mondiales de saisie concernant les groupes nationaux les plus actifs illustrent le phénomène. En 1989, 23 Marocains étaient impliqués pour des saisies de 56.4 kg de cocaïne. En 1991, 36 Marocains pour un total de 169,6 kg. A titre de comparaison, en 1991, 89,1 kg de cocaïne étaient saisis dans le monde sur 147 Nigérians."

[125] Service du plan, cité par Si Ameur et Sidhoum, 1992:175, in "Algérie de l'indépendance à l'état d'urgence", sous la direction de Mokhtar LAKEHAL, L'Harmattan 1992, pp.145-169.

[126] Rouzeik F., 1990:562.

[127] M.Lakehal, op. cit. p.152

[128] En Algérie comme par ailleurs au Maroc, se déclarer demandeur d'emploi, n'équivaut nullement pour un chômeur d'être au bénéfice d'une indemnisation alternative à l'absence de salaire en dehors des solidarités familiales et d'occupations intermittentes.

[129] Pour une bonne compréhension du secteur informel, voir l'excellent travail de M. Salahdine, Les petits métiers clandestins. "Le business populaire". - Casablanca, éd. Eddif, 270 p.

[130] De Barrin J., déjà cité.

[131] Talha L., cf. Lakhal (dir.), 1992:260

[132] Benachenhou A., cf. L'Etat du Maghreb, 1991:432.

[133] Arabies, n° 89:30.

[134] Le Monde du 20.07.91.

[135] Le Nouveau Quotidien, 12.04.1994:17

[136] ibid.

[137] Jeune Afrique Économie, n° 178:57.

[138] A. Benachenhou, in "l'Etat du Maghreb", p. 431

[139] Rivages, n°8 (1993), page:30.

[140] Diouri M. "A qui appartient le Maroc?", l'Harmattan, 1992:138

[141] Office fédéral des affaires économiques extérieures, "Relations économiques Suisse-Maroc", Doc. Maroc 821, [Mai 1993], 4 pages.

[142] Ces échanges concernent avant tout le textile, les produits agricoles et le tourisme. Selon le rapport annuel de la banque d'Israël (mai 1994), 70% de la croissance des exportations en 1993 s'est faite avec des pays considérés comme des partenaires commerciaux "non traditionnels" de l'Etat hébreu. Selon des prévisions, ces marchés (dont le Maroc) seront le principal facteur de croissance économique prévue cette année et qui pourrait être de 6%. (source Associated Press 31 mai 1994)

[143] L'Etat du Maghreb, 1992:479.

[144] F.Soudan, Jeune Afrique, n°1731:33

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