vendredi 10 février 2012

II eme coup de gueule du mois, Ahmed Benani sur le Printemps arabo-hollywoodien!

2eme coup de gueule de la semaine, j'ai besoin d'une pause ou d'un grand dialogue saint et salutaire!

Depuis Bouazizi, les chroniqueurs du dimanche et les philosophes des plateaux TV n'arrêtent pas de parler du Printemps arabe comme d'un scénario hollywoodien. Chaque fois ils écrivent un nouveau chapitre avec du sang et des larmes, la narration et l'image empruntent aux fantasmes, aux délires à la fiction des mauvais jours dans les chaumières d'Occident. Le complot islamiste, la main d'Al Qaïda, les prédictions des Protocoles des Sages de Sion, la connivence israélo-sioniste; en une page ou en mille, c'est la récurrence pathologique que ce Printemps est tout sauf arabe et que si par malheur, on voit ici ou là des femmes manifester de manière autonome, des jeunes s'immoler ou des manifestations, de l'Atlantique au Golfe, réclamer le départ des tyrans, il ne peut s'agir que d'erreurs de casting. Il faut remplacer les scénaristes, revoir les scripts, engager de nouveaux figurants! Ce délire est en voie de passage sur les réseaux sociaux et subitement les voix amazigh s'élèvent pour dire qu'elles n'ont rien d'arabes, que les chars de Kaddafi ont été détruits par l'Otan financée par l'Emir du Qatar, que les Syriens sont suspects (quoi tout un peuple en colère, qui depuis mars 2011 n'arrive pas à renverser un seul tyran!). D'autres exemples sont donnés pèle-mêle, Moncef Marzouki a trahi la Révolution de Jasmin et s'est fait avoir par Ennahda, l'Algérie est la plus sage des Nations, elle a connue tout ça il y a 20 ans et n'a de leçons à recevoir de personne, le Maroc, voit la confirmation de sa modernité grâce au savoir du Sultan M6, chef éclairé parmi les illuminés de la terre. Alors quoi, encore parler de la Révolution Arabe, vous êtes définitivement mono-maniaque, il n'y a pas plus de révolution que de champagne dans la théière de Benkirane. Tout cela est un mauvais rêve, Hollywood va mettre le scénario à la poubelle, il ne rapporte plus un cent, les jeunes vont se suicider à la campagne loins des regards indiscrets, les femmes vont de planquer derrière leur voile ou sous leur burqa. L'ordre va enfin régner, avec une nouvelle idéologie, syncrétisme de wahhabisme et de salafisme , financement qatari et couverture médiatique unique: الجزيرة نت
www.aljazeera.net/. Révolution Arabe , the game is over. Pendant que les nains de la pensée décortiquent mes mots méchants, retournons au travail et poussons la roue de l'Histoire! Ahmed Benani , Lausanne, le 10 février 2012

mardi 7 février 2012

Stop à l'occidentalo-centrisme- Edgar Morin

UN EXCELLENT PAPIER D'EDGAR MORIN ("le Monde", 8 février 2012) : "Stop à l'occidentalo-centrisme"

Chaque culture a ses vertus, ses vices, ses savoirs, ses arts de vivre, ses erreurs, ses illusions. Il est plus important, à l’ère planétaire qui est la nôtre, d’aspirer, dans chaque nation, à intégrer ce que les autres ont de meilleur, et à chercher la symbiose du meilleur de toutes les cultures.
La France doit être considérée dans son histoire non seulement selon les idéaux de Liberté-Egalité-Fraternité promulgués par sa Révolution, mais aussi selon le comportement d’une puissance, qui, comme ses voisins européens, a pratiqué pendant des siècles l’esclavage de masse, a dans sa colonisation opprimé des peuples et dénié leurs aspirations à l’émancipation. Il y a une barbarie européenne dont la culture a produit le colonialisme et les totalitarismes fascistes, nazis, communistes. On doit considérer une culture non seulement selon ses nobles idéaux, mais aussi selon sa façon de camoufler sa barbarie sous ces idéaux.
Nous pouvons tirer fierté du courant autocritique minoritaire de notre culture, de Montaigne à Lévi-Strauss en passant par Montesquieu, qui a non seulement dénoncé la barbarie de la conquête des Amériques, mais aussi la barbarie d’une pensée qui « appelle barbares les peuples d’autres civilisations » (Montaigne).
De même le christianisme ne peut être considéré seulement selon les préceptes d’amour évangélique, mais aussi selon une intolérance historique envers les autres religions, son millénaire antijudaïsme, son éradication des musulmans des territoires chrétiens, alors qu’historiquement chrétiens et juifs ont été tolérés dans les contrées islamiques, notamment par l’Empire ottoman.
Plus largement, la civilisation moderne née de l’Occident européen a répandu sur le monde d’innombrables progrès matériels, mais d’innombrables carences morales, à commencer par l’arrogance et le complexe de supériorité, lesquels ont toujours suscité le pire du mépris et de l’humiliation d’autrui.

Sagesse et arts de vivre
Il ne s’agit pas d’un relativisme culturel, mais d’un universalisme humaniste. Il s’agit de dépasser un occidentalo-centrisme et de reconnaître les richesses de la variété des cultures humaines. Il s’agit de reconnaître non seulement les vertus de notre culture et ses potentialités émancipatrices, mais aussi ses carences et ses vices, notamment le déchaînement de la volonté de puissance et de domination sur le monde, le mythe de la conquête de la nature, la croyance au progrès comme lot de l’histoire.
Nous devons reconnaître les vices autoritaires des cultures traditionnelles, mais aussi l’existence de solidarités que notre modernité a fait disparaître, une relation meilleure à la nature, et dans les petites cultures indigènes des sagesses et des arts de vivre.
Le faux universalisme consiste à nous croire propriétaires de l’universel – ce qui a permis de camoufler notre absence de respect des humains d’autres cultures et les vices de notre domination. Le vrai universalisme essaie de nous situer en un métapoint de vue humain qui nous englobe et nous dépasse, pour qui le trésor de l’unité humaine est dans la diversité des cultures. Et le trésor de la diversité culturelle dans l’unité humaine.

jeudi 2 février 2012

Le monde arabe est-il vraiment en "hiver" ? Le Monde



par Peter Harling, directeur des activités de l'International Crisis Group en Egypte, en Syrie et au Liban

Si le "printemps arabe" suscitait l'enthousiasme aux beaux jours, le pessimisme est désormais de saison. Dans les médias, un glissement sémantique s'est opéré du thème révolutionnaire vers un registre à connotations négatives, où le triomphe des islamistes, les dynamiques de guerre civile, la désillusion et l'impuissance figurent en bonne place. Aussi les commentaires donnent-ils la part belle aux clivages identitaires, au retour en force des réactionnaires, aux ingérences étrangères jugées nécessaires ou désastreuses, ou encore à des processus de réforme en trompe-l'œil.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que le moment fulgurant des révolutions éclairs, en Tunisie et en Egypte, cède le pas à une grande confusion. Presque partout dans le monde arabe, nous assistons à une renégociation, plus ou moins ambitieuse et violente, de tout un contrat social. A la complexité des cas individuels s'ajoutent leurs fortes corrélations, dans une région en ébullition, où le "modèle tunisien" est discuté jusqu'au fin fond des campagnes syriennes.

L'articulation de crises domestiques profondes et d'enjeux stratégiques cruciaux, renvoyant à la place de l'Iran et d'Israël sur la scène internationale. Enfin, face à des bouleversements historiques, dont l'ampleur et la nature ne nous seront intelligibles qu'a posteriori, les acteurs sociaux et politiques – y compris les plus rationnels et les plus dangereux – en sont réduits à l'improvisation, faisant de leurs erreurs de jugement un inquiétant facteur d'incertitude.

Ce qui est frappant n'est pas tant le désordre qu'un désir de le clarifier. Un an après la fuite du président Ben Ali, beaucoup aimeraient que l'heure des bilans ait déjà sonné. Au lieu de tirer des conclusions au moment où il est plus que jamais difficile de le faire, il s'agit plutôt de s'arracher à une temporalité journalistique – qui, quand elle ne réduit pas des processus historiques à des crises, est prompte à lesqualifier d'impasse.

Ce qui rend les transitions en cours impossibles à juger, c'est qu'elles fontapparaître d'innombrables tensions latentes au sein des sociétés de la région, au moment même où elles font disparaître les moyens traditionnels de leur gestion, puisque les procédés habituels des régimes sont très exactement ce que leurs sujets ne tolèrent plus. L'enjeu de ces renégociations consiste justement à recréerdes mécanismes de règlement des conflits sociaux, sur des bases nouvelles elles-mêmes source de conflits. Il n'est dons pas surprenant de les voir susciter des désaccords, voire des violences. Le véritable point d'interrogation porte sur l'apparition de systèmes politiques accordant une importance centrale à la légitimité populaire, dans une région qui en a jusqu'à présent été dépourvue.

Dans l'ère postcoloniale, les pouvoirs en place dans le monde arabe ont mobilisé trois formes de légitimité, à savoir stratégique, clientéliste et autoritaire. Tout d'abord, ils se sont établis dans un certain rapport avec le jeu des grandes puissances, en tant que garants de leurs intérêts ou, au contraire, symboles d'émancipation et de résistance. Dans un cas comme dans l'autre, de cette posture dérivait des ressources (alliances politiques, soutien financier, fournitures d'armes) indispensables à la perpétuation des régimes.

Ensuite, ils ont assuré une meilleure répartition des ressources disponibles au sein de leurs sociétés, après des siècles de concentration des richesses entre les mains d'une élite circonscrite et de pillage par des puissances extérieures. Enfin, et dans le prolongement d'une tradition coloniale bien ancrée, tous ont justifié l'autoritarisme comme le seul ciment de sociétés fragiles, menacées de régression et d'éclatement par des forces obscurantistes, de l'islamisme au tribalisme en passant par les clivages communautaires. L'Etat s'est ainsi construit comme un appareil de redistribution et de contrôle, à l'encontre de toute notion de citoyenneté.

Les rares expériences démocratiques tentées ces dernières décennies, susceptibles d'introduire un nouveau rapport à l'Etat, ont toutes été sabordées. Au Liban et en Irak, l'institutionnalisation du partage communautaire des prérogatives politiques, sous le mandat français et l'occupation américaine réciproquement, enferme les électeurs dans un système qui renforce les fractures ethniques et confessionnelles. En Algérie et en Palestine, les tentatives d'ouverture du jeu politique à la participation populaire ont fait long feu suite au rejet brutal du vote islamiste, débouchant dans les deux cas sur des affrontements laissant des séquelles durables.

Les transitions qui se jouent aujourd'hui reflètent naturellement cet héritage. Les régimes, mis au défi des mobilisations populaires, n'ont pas hésité à jouer sur les registres habituels : ils appellent leurs alliés au secours et crient au complot étranger ; paternalistes, ils distribuent avantages et concessions ; et ils agitent la peur du chaos, en se référant notamment à l'Algérie et à l'Irak. Ils répriment certes, mais ils tentent surtout de saborder les expressions de citoyenneté que sont des manifestations non violentes et socialement transversales en tâchant deréintroduire les clivages dont ils ont toujours su jouer. Les sociétés, elles, tentent instinctivement de les dépasser, travail ardu compte tenu des anxiétés profondément ancrées et des structures (sociales, religieuses, médiatiques, politiques) qui tendent traditionnellement à les enraciner.

Ce n'est donc pas un hasard si les questions identitaires – notamment les relations intercommunautaires, les particularismes régionaux, et le rôle de l'Islam dans l'Etat – sont déterminantes dans les transformations enclenchées à travers la région, qu'il s'agisse de révolutions ou de réformes. Car ces tensions régimes les exacerbaient, les manipulaient et les maîtrisaient tout à la fois. Aujourd'hui au moins, une chance se dessine de voir émerger des systèmes politiques n'excluant pas tout sentiment de citoyenneté. Déjà, un foisonnement d'initiatives citoyennes fourmille dans toute la région. C'est le versant caché de l'histoire, occulté par la violence de la répression, le triomphe électoral des islamistes et les grands enjeux stratégiques.

Pour l'heure, les sociétés se trouvent mises à nu, transparentes à elles-mêmes et au reste du monde, et pour la première fois contraintes de faire face à leurs propres démons. Plus moyen d'ignorer le quasi-apartheid qui s'est instauré à Bahreïn entre minorité sunnite au pouvoir et majorité shiite. Le sécularisme de l'Etat et des élites tunisiennes va bien devoir s'accommoder d'une société conservatrice longtemps méprisée. Le caractère pluriel de la société syrienne exige de repenser le pacte social plutôt que de miser, qui sur le prétendu garde-fou que constituerait le régime actuel, qui sur une mythique convivialité intercommunautaire que le régime serait le seul à menacer. En Libye, l'absence d'un Etat, et même d'un centre autour duquel il pourrait s'organiser, n'est plus escamotée par l'utopie d'un tyran. Et l'Egypte, où la société aime tant s'imaginer homogène et consensuelle, ne pourra résoudre ses conflits – sur la place à accorder à l'armée, à l'Islam et aux Chrétiens notamment – sans d'abord accepter leur existence de plus en plus flagrante. Les lignes de faille des sociétés arabes sont désormais béantes et manifestes ; il s'agit maintenant de les reconnaître et de les assumer.

En Occident, l'obsession de l'islamisme continue à orienter les perceptions de ces changements pourtant complexes. Le succès de tout processus de démocratisation reposera pourtant sur sa capacité à produire une image relativement fidèle et nuancée de la société. Accepter le produit de décennies d'islamisation insidieuse des sociétés arabes, encouragée par la fermeture des systèmes politiques et exploitée comme justification du statu quo, en fera partie, à moins de précipiter des conflits qui se feront au détriment de toute démocratie. Dans la recherche d'une représentation plus juste des sociétés, il est du reste absurde de se référer à la seule aune de l'Islam. De graves déséquilibres géographiques (entre la côte et l'arrière-pays tunisien par exemple) pourraient êtreréparés. Par endroits, la résurgence des élites urbaines (en Libye et en Syrie notamment) s'articule avec la réaffirmation des masses populaires, dans une région où leurs relations ont généralement été antagoniques. Et le rapport des diasporas à leurs pays d'origine, longtemps dominé par l'exode économique et l'exil politique, voit naitre un sentiment nouveau de fierté et de destinée partagée.

Ces processus de renégociation profonde du pacte social ont la particularité d'êtreprofondément intuitifs. Bien qu'ils subissent un lourd héritage du passé, ils se distinguent par une étonnante absence de modèle à suivre pour tracer l'avenir. Ils se déroulent en effet dans une ère post-idéologique, définie par l'effondrement successif des grands paradigmes politiques et économiques. Même l'"islamisme", en tant que projet de transformation de l'Etat, porte les stigmates de ses nombreuses impasses (de l'Algérie à l'Afghanistan en passant par l'Arabie Saoudite et l'Iran) et tend à se recentrer autour de questions de bonnes mœurs, jusque dans la "bonne gouvernance". Or sans grande vision à offrir, point de figures populistes de leadership, d'intellectuels chargés d'élucider le monde, ou de médias se contentant de propager le dogme. Les positionnements individuels tendent à se nourrir de multiples influences, dans un foisonnement dont on n'a aucune idée, au fond, de ce qu'il produira à terme.

Pour les acteurs politiques, s'adapter à de telles incertitudes pose problème, évidemment. Pour l'instant, une règle fort simple semble s'appliquer : ceux qui ont le moins à perdre y réussissent le mieux. De tous les mouvements islamistes, le parti tunisien al-Nahda est le plus en phase avec l'air du temps : de retour d'exil dans un pays où ses structures avaient été éradiquées, il avait toute liberté de secouler dans le jeu démocratique émergent, en mobilisant cadres, militants et électeurs autour d'un discours inclusif et d'un programme de gouvernement. Par contraste, l'immense mécanique des Frères Musulmans égyptiens, enracinée de longue date, continue sur sa lancée – avec des structures dirigeantes opaques, un discours ambigu, un projet de prédication plus qu'une vision politique. Cela ne les a pas empêché de faire un score spectaculaire aux élections, mais ce triomphe ne fait qu'accroître les attentes d'une population qui exige des progrès rapides et concrets – et pas simplement davantage d'Islam.

Sur le plan stratégique, une même distinction reste valide. La Turquie a su surfersur la vague de l'opinion publique parce qu'elle n'était encombrée d'aucune des pesanteurs qui paralysaient les Etats-Unis et l'Europe : la sécurité d'Israël, la peur des islamistes, et la stabilité des monarchies pétrolières du Golfe. Le Qatar, régime richissime et "hors sol", puisque sans véritable peuple, n'avait pas à s'inquiéter d'un possible effet de contagion, à la différence de ses voisins, notamment saoudiens. L'Iran et le Hizbollah, pour leur part, ont applaudi les mobilisations populaires tant qu'elles déstabilisaient les suppôts de l'Occident mais s'arrêtaient aux frontières de l'axe de la résistance ; au-delà, tout n'était forcément que complot. Hamas, qui a depuis longtemps fait le pari de l'opinion publique arabe, qui considère son musèlement comme le principal obstacle à la promotion de la cause palestinienne, et qui était de plus en plus embouti dans une bande de Gaza assiégée, avait plus à espérer qu'à craindre d'une redistribution des cartes à l'échelle de la région. Bien sûr, Israël ne pouvait que faire le calcul inverse.

Que "ceux qui ont le plus à perdre changent le moins" soit un truisme, soit, mais c'est aussi une clef de compréhension des points de fixation à attendre parmi des bouleversements initiés par ceux, justement, qui pensent avoir si peu à perdrequ'ils sont disposés à descendre dans les rues au sacrifice de leur vie. En Egypte, où la scène politique est moins morcelée que dominée par deux acteurs hégémoniques et rivaux, l'armée et les Frères Musulmans, leur acceptation du processus politique à condition qu'il valide leurs ambitions de contrôle risque decompliquer toujours davantage la transition.

Sur la scène régionale, les principaux acteurs des grands conflits stratégiques, après une forme de trêve liée à leur confusion initiale, ont progressivement durci leurs positions. Aujourd'hui, les Etats-Unis soutiennent Israël plus aveuglement que jamais, font monter la pression sur l'Iran, voient dans le renversement du régime syrien l'occasion d'affaiblir le Hizbollah, et font mine de rien lorsque leurs alliés du Golfe répriment toute dissension. Les ennemis de Washington ne se privent pas, naturellement, de lui donner le change. Sous une forme ou sous une autre, les perspectives de guerre, en Iran, en Syrie, au Liban ou à Gaza hantent de nouveau la région. Ces tensions vont probablement peser de plus en plus lourd sur le cours des évènements. Elles pourraient constituer une source de régression possible, en détournant l'attention ou en influençant l'issue des conflits domestiques qui perdurent.

Mais dans une période de recompositions sociales et politiques de grande amplitude, le plus sûr est d'admettre que nous n'en savons rien. La conduite la plus rationnelle, face à un niveau d'incertitude déroutant pour une zone si explosive, serait de calmer le jeu, en essayant de dissocier autant que possible les crises nationales des grands enjeux stratégiques. C'est ce que les mouvements de protestation, dans l'ensemble, ont fait instinctivement, en mettant de côté les questions traditionnellement mobilisatrices de politique étrangère. Mais celles-ci reviennent en force, pour le meilleur et pour le pire, dans une gigantesque aventure où tout ce que l'on croyait connaître de la région pourrait être remis en question.


mercredi 18 janvier 2012

Le despote de Rabat gagne sur toute la ligne, Benkirane se couche!



Déclaration Citoyenne
Le despote de Rabat gagne sur toute la ligne, Benkirane se couche!

TelQuel- Maroc No 504
Par Driss Bennani et Fahd Iraqi
Enquête. Et le roi créa le gouvernement !

Cérémonie. Accompagné du prince héritier, Mohammed VI a sacrifié à la traditionnelle photo officielle avec le nouveau gouvernement. (AFP)

Entre marchandages avec les partis politiques alliés, pressions internes des bases du PJD et tractations houleuses avec le Palais, l’accouchement du gouvernement Benkirane s’est fait dans la douleur. Retour sur 35 jours riches en rebondissements.


En nouant sa cravate, ce mardi 3 janvier, Abdelilah Benkirane ne pouvait s’empêcher de repenser, sourire aux lèvres, à son long parcours politique. Le jeune militant de la Chabiba Islamiya a décidément fait du chemin. Dans quelques heures, les membres de son équipe

gouvernementale, la première sous la nouvelle Constitution, prêteront serment devant Mohammed VI. Une consécration pour ce dirigeant islamiste. “L’histoire retiendra que le docteur Abdelkrim El Khatib a permis au PJD d’exister. Saâd Eddine El Othmani a évité la dissolution du parti au lendemain des attentats du 16 mai 2003. Abdelilah Benkirane lui a fait gagner les élections et le poste de Chef de gouvernement”, analyse, avec beaucoup de satisfaction, un membre du secrétariat général de la formation islamiste.

En route vers le Méchouar…
En milieu de matinée, les onze ministres du parti de la lampe commencent à affluer vers le domicile de Abdelilah Benkirane, dans le quartier des Orangers à Rabat. C’est ici qu’ils se sont donné rendez-vous pour se diriger, ensemble, vers le palais royal. Dans le salon du nouveau patron de l’Exécutif, l’ambiance est assez festive. “Nous sommes habitués aux réunions politiques à domicile”, ironise l’aîné de Abdelilah Benkirane. Après une collation, le cortège des ministres islamistes quitte le “point de rassemblement”. Ils partent en groupe et utilisent leurs voitures personnelles. Abdelaziz Rebbah, nouveau ministre de l’Equipement et du transport, est même obligé de rejoindre le palais royal à bord d’un véhicule utilitaire du parti. Tout un symbole !
Arrivés au palais, les ministre pjdistes rencontrent leurs nouveaux collègues politiques et technocrates. Les 31 ministres sont alors pris en charge par les responsables du protocole royal et patientent à l’entrée, assez étroite, de la salle du trône. Pour l’occasion, Mohammed VI s’est fait accompagner par le prince héritier Moulay El Hassan. Les ministres défilent selon un ordre protocolaire préétabli. Chacun d’entre eux effectue quelques pas, s’incline à trois reprises devant le monarque avant de lui embrasser… l’épaule, à quelques rares exceptions. Allègement du protocole ? “C’est un choix personnel. Rien n’oblige les responsables officiels à faire le baisemain. Rien ne le leur interdit non plus”, explique un nouveau ministre.
Durant toute la cérémonie, qui n’a pas duré plus de 15 minutes, Abdelilah Benkirane est resté collé au monarque, la tête baissée et les traits tirés. Il faut dire que l’accouchement a été difficile. Cela a même laissé quelques séquelles sur le nouveau-né.

Les malformations d’un gouvernement
En tout, cinq ministres technocrates ont conservé leurs postes au sein du nouvel Exécutif, annoncé au départ comme éminemment politique. Il y a d’abord - et c’est une surprise - Ahmed Taoufiq, reconduit à la tête du ministère des Habous et des Affaires islamiques malgré le grand mouvement de protestation des imams dans plusieurs régions du pays. Il y a ensuite Driss Dahak, Secrétaire général du gouvernement, et Abdellatif Loudiyi, ministre délégué en charge de l’Administration de la Défense nationale, véritables gardiens du temple gouvernemental. Le Palais aurait également insisté pour maintenir Aziz Akhannouch à la tête du département de l’Agriculture. Et tant pis si cela passe par la démission en catastrophe de l’homme d’affaires du RNI, passé à l’opposition. Autre nomination surprise, celle de Charki Draiss, jusque-là patron de la DGSN, en tant que ministre délégué à l’Intérieur. Une manière de verrouiller la gestion de “la mère des ministères”, désormais dirigée par Mohand Laenser, SG du Mouvement Populaire (MP).
Ensuite, l’équipe gouvernementale ne compte qu’une seule femme. Nous sommes très loin des sept femmes ministres du cabinet Abbas El Fassi à sa nomination. Bassima Haqqaoui, nouvelle ministre de la Solidarité, de la famille et du développement social, est d’ailleurs la première à s’en offusquer. “C’est une situation inconfortable pour moi. Je regrette que les partis politiques n’aient pas fourni d’efforts pour présenter des femmes et défendre leur candidature aux postes de responsabilité. Les quatre formations de la majorité disposent pourtant de compétences féminines réelles que je connais à titre personnel et qui avaient parfaitement leur place au sein de ce gouvernement. Les femmes ont finalement été victimes des négociations marathon qui ont précédé la formation de l’Exécutif”, s’emporte-t-elle.
En quittant le palais royal, Abdelilah Benkirane a tenu à s’entourer de tous ses ministres pour faire une déclaration à la presse. Une manière d’insister, malgré tout, sur la solidarité et la cohésion gouvernementale ? Sans doute. Mais cette fois, le nouveau Chef du gouvernement ne veut laisser aucune place à l’improvisation. Il déplie soigneusement une feuille sur laquelle il a rédigé un petit speech qu’il s’applique à lire devant les micros des télévisions nationales. Que faut-il en retenir ? Que le gouvernement tiendra tous les engagements pris par l’Etat marocain, qu’il accorde un intérêt particulier pour stimuler l’investissement et que la déclaration gouvernementale est quasi prête. “Les nouveaux ministres y apporteront leur touche avant de la présenter devant les deux chambres du parlement”, a notamment précisé Benkirane. Ce dernier n’a pas omis non plus de féliciter les quatre formations de la majorité, qui ont “tenu bon durant les 35 jours qui se sont écoulés” depuis la réception du Chef du gouvernement par le monarque, le 29 novembre à Midelt.

Euphorie des débuts
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis cette date, pourtant si proche. A l’époque, Abdelilah Benkirane croyait que les 107 sièges remportés par son parti allaient lui faciliter la tâche de former (rapidement) une majorité parlementaire confortable, puis un gouvernement ramassé et homogène. Dans ses toutes premières déclarations, le leader islamiste évoque d’ailleurs un exécutif constitué de 20 ministres. Il annonce sa volonté de gouverner avec des ministres plus jeunes que lui et d’avoir un contact direct avec Mohammed VI. Pour ses futures coalitions, il ne se fixe qu’une seule ligne rouge : le PAM. Il décrète aussi la fin des ministères de souveraineté, à une exception près. “Le département des Affaires islamiques reste du ressort exclusif de Sa Majesté”, affirmait-il.
Au lendemain de sa nomination, le SG du PJD entame donc ses négociations avec les chefs de partis politiques. Comme promis lors de sa campagne électorale, il commence par frapper aux portes de la Koutla. L’accueil de l’Istiqlal est plutôt chaleureux, les dirigeants du PPS sont enthousiastes, mais la rencontre avec Abdelouahed Radi, premier secrétaire de l’USFP, ne dure pas plus de 40 minutes. Les deux hommes se congratulent mais évitent de rentrer dans les détails. Le parti socialiste veut se refaire une virginité politique et finit par rejoindre officiellement les rangs de l’opposition. Il y siégera aux côtés de deux autres poids lourds du champ politique national : le RNI et le PAM.
Pour le PJD, le coup est dur mais Abdelilah Benkirane ne baisse pas les bras pour autant. Au lendemain du passage de l’USFP à l’opposition, il reçoit Mohand Laenser, patron du Mouvement Populaire, et le convainc, sans peine, de rejoindre la majorité gouvernementale. Pour ne pas rester otage de ses partenaires politiques, Benkirane tente quand même d’élargir sa coalition en faisant du pied à l’UC, mais se heurte au veto de l’Istiqlal et abandonne cette option.

Et soudain, El Himma !
Mercredi 7 décembre, le nouveau Chef du gouvernement reçoit deux informations. La première est plutôt réjouissante. Quatre petits partis apportent leur soutien à l’Exécutif en constitution. La majorité gagne ainsi quelques sièges au parlement. La deuxième est plus embarrassante : Mohammed VI nomme Fouad Ali El Himma en tant que conseiller royal. L’homme fort du PAM (et l’un des principaux détracteurs des islamistes) revient aux affaires à un moment crucial. Au PJD, les premières déclarations restent assez timides. Le message est pourtant clair. En étoffant son cabinet, le roi compte peser (plus que jamais auparavant) sur la gestion des affaires publiques. “Normal, commente cet ancien ministre. La nouvelle Constitution a prévu une batterie de lois organiques qui engagent le pays sur plusieurs décennies à venir et sur lesquels la monarchie veut garder un œil vigilant”. De son côté, Abdelilah Benkirane entame le deuxième round de négociations avec les quatre partis de sa nouvelle majorité. Il y est question de définir l’architecture du futur gouvernement et de présenter un candidat unique à la présidence du parlement. L’Istiqlal décroche le poste et y propose Karim Ghellab, ministre sortant de l’Equipement et du Transport.
Mardi 13 juillet, Abdelilah Benkirane est, une nouvelle fois, convoqué au palais royal pour une séance de travail à l’abri des caméras de télévision. La rencontre dure 50 minutes. Le Chef du gouvernement y présente les grandes lignes de sa future équipe gouvernementale. Il demande le passage des départements de l’Intérieur et des Affaires étrangères dans le giron des partis politiques. Cela ne semble pas déranger le monarque outre mesure. Ce dernier est même d’humeur plutôt taquine. “Il m’a demandé si j’étais toujours fâché avec El Himma. J’ai répondu qu’on ne se fâche pas avec les collaborateurs de Sa Majesté”, a notamment confié Benkirane. Ce dernier a pourtant compris le message : l’ami du roi servira d’intermédiaire entre le Chef du gouvernement et le Palais.

Les réserves du Palais
Vendredi 16 décembre, le conseil national du PJD crée la surprise en confiant à une commission de 36 membres le soin d’élire les candidats du parti aux postes ministériels. La démarche est innovante mais elle fait grincer des dents en haut lieu. Elle réduit en effet les marges de négociation possibles avec le Chef du gouvernement, qui pourra toujours prétexter la pression des instances partisanes pour refuser d’éventuels changements sur sa liste. Les choses se compliquent. Les premiers noms de ministrables commencent à fuiter. Abdelilah Benkirane temporise avant de déposer, samedi 24 décembre, une première liste officielle au cabinet royal. 48 heures plus tard, l’Istiqlal lâche une véritable bombe en affirmant, par le biais d’un éditorial publié en Une du quotidien Al Alam, que “les négociations sont toujours en cours”. Le parti de Abbas El Fassi n’aurait pas digéré la perte du ministère (stratégique) de l’Equipement et du Transport et menace de quitter la majorité gouvernementale. La toute nouvelle majorité entre alors dans une zone de turbulences.
Abdelilah Benkirane avale subitement sa langue et interdit à ses collègues au sein du secrétariat général de fuiter les noms des ministrables. Il s’entretient avec Zoulikha Nasri et Fouad Ali El Himma, tous deux émissaires de Mohammed VI. Le Palais émet des réserves sur certains candidats et s’oppose fermement à d’autres. C’est notamment le cas de certains ministrables de l’Istiqlal, en plus de l’avocat Mustapha Ramid, candidat au portefeuille de la Justice. Benkirane s’accroche comme il peut. Il défend la candidature de son collègue Ramid et accepte de céder le département des Finances à l’Istiqlal, tout en gardant la main sur le Budget. “L’Istiqlal est un partenaire stratégique qui mérite de diriger le ministère de l’Economie et des Finances. Mais il ne serait pas normal pour un parti qui dirige la majorité de ne pas disposer du département du Budget”, explique Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole officiel du gouvernement.
Les tractations de dernière minute durent jusqu’au soir du 31 décembre. Selon des sources concordantes, le duo Zoulikha Nasri et Fouad Ali El Himma se seraient longuement réunis avec Abbas El Fassi pour modifier la liste des ministres istiqlaliens. Le 1er janvier, c’est Aziz Akhannouch, ministre sortant de l’Agriculture, qui crée l’évènement en démissionnant avec fracas du RNI. Il est pressenti à la tête de l’Agriculture… ou de l’Intérieur. La nomination du gouvernement Benkirane est, elle, donnée pour imminente. Elle est d’abord annoncée à Marrakech, puis à Ifrane avant de se dérouler à Rabat le mardi 3 janvier. Certaines nominations, comme celles de Charki Draiss et Youssef El Amrani, porteraient l’emprunte de Fouad Ali El Himma et de Taïeb Fassi Fihri, qui a fini lui aussi par rejoindre l’équipe des conseillers royaux. Les premières passations de pouvoir ont lieu dans la soirée. En face, l’opposition ne perd pas de temps non plus et fustige déjà “un gouvernement ultra-conservateur”. La partie ne fait que commencer !

GOUVERNEMENT 2012 (voir infographie)


Tractations. Un long fleuve (peu) tranquille
25 novembre. 45% des électeurs se sont rendus aux bureaux de vote pour choisir entre les listes des 31 formations politiques qui ont participé à ces élections anticipées.
27 novembre. Les résultats définitifs sont dévoilés : le PJD arrive en tête avec 107 sièges. Un score de 28% jamais inégalé par le passé, mais insuffisant pour être seul maître à bord. Les négociations avec d’autres partis sont incontournables.
29 novembre. Le secrétaire général du parti vainqueur, Abdelilah Benkirane, est reçu par le roi à Midelt pour être nommé Chef de gouvernement. Il lui reste à constituer sa majorité.
29 novembre. Le RNI (52 députés) annonce son intention de rejoindre l’opposition par communiqué. Une autre grande formation, le PAM (47 sièges), est dans l’opposition par défaut. Le PJD avait signé et persisté : hors de question de s’allier au parti de Fouad Ali El Himma.
4 décembre. Le conseil national de l’USFP tranche : le parti préfère basculer dans l’opposition plutôt que de s’allier au PJD. Les options deviennent de plus en plus limitées devant le Chef de gouvernement nommé, qui comptait sur une alliance avec la Koutla.
6 décembre. Le roi procède à la nomination de 28 nouveaux ambassadeurs. Des nominations qui n’ont pas transité par le Conseil des ministres comme le stipule la nouvelle Constitution. Pourtant, le Chef de gouvernement nommé ne bronche pas. Première couleuvre à avaler ?
7 décembre. Fouad Ali El Himma démissionne du PAM car il est nommé au cabinet royal. On devine dès lors sa première mission : mener les négociations avec Benkirane pour valider la nouvelle équipe gouvernementale.
11 décembre. C’est officiel, quatre partis composent la nouvelle coalition gouvernementale. Le PJD arrive en fait à convaincre l’Istiqlal, le Mouvement Populaire et le PPS en plus de quatre autres petits partis. Il était une fois la Koutla… Alors que le G8, c’est comme s’il n’avait jamais existé.
13 décembre. Le Chef du gouvernement nommé est à nouveau reçu par le roi. 50 minutes d’entretien à l’issu desquelles Abdelilah Benkirane déclare qu’il a tout dit au roi. Mais le souverain a-t-il fait de même ?
19 décembre. L’Istiqlalien Karim Ghellab est élu à la présidence du nouveau parlement. Le parti de la balance, en allié incontournable, avait imposé (et obtenu) cette condition avant de sceller son alliance avec le PJD. Et ce n’est que la première clause du deal.
24 décembre. Abdelilah Benkirane annonce que la liste de son équipe gouvernementale a été transmise au Palais pour validation. Après cette dernière sortie médiatique, il se met en mode silencieux. Bienvenue dans le monde taciturne du pouvoir !
26 décembre. Abbas El Fassi dément le fait que la liste du gouvernement ait été tranchée. Et, effectivement, rien n’est encore joué. Le Palais transmet au PJD des réserves au sujet de certains noms figurant sur la liste des ministrables.
1er janvier. Aziz Akhannouch démissionne du RNI, son parti d’accueil depuis qu’il est devenu en 2007 ministre de l’Agriculture (avant il était MP). Une seule et unique raison peut expliquer cette décision qui lui coûte son fauteuil de député : il rempile pour un nouveau mandat. Un nouveau ministère de souveraineté est né.
2 janvier. Un nouveau conseiller royal rejoint le gouvernement de l’ombre. Taïeb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères sortant, revient au cabinet de Mohammed VI qu’il avait quitté en 2002. Maintenant que le Palais a son chef de diplomatie, ce département peut devenir un ministère politique.
3 janvier. Le roi reçoit à Rabat le nouveau gouvernement. 31 ministres composent la nouvelle équipe qui inclut cinq technocrates à la tête de départements sensibles, pour ne citer que le Secrétariat général du gouvernement ou encore la Défense. Et dire que Benkirane déclarait au lendemain de sa nomination qu’il ne lâcherait que les Affaires islamiques.

Passation. Investiture précoce
Le gouvernement Benkirane aurait-il péché par précipitation ? Les ministres fraîchement désignés ont-ils eu raison d’effectuer les passations de pouvoir dans la soirée même ou le lendemain de leur réception par le roi ? Selon plusieurs voix au sein de l’opposition, le nouveau gouvernement vient de commettre une entorse à l’esprit de la nouvelle Constitution. Cette dernière stipule en effet que le gouvernement n’est définitivement investi qu’après le vote de sa déclaration à la chambre des députés. “Cette précipitation pour entrer en fonction dénote de beaucoup d’amateurisme. Les ministres pouvaient très bien attendre le vote de confiance du parlement avant de rejoindre leurs postes. Le gouvernement fait de la sorte peu de cas de la nouvelle Constitution et de son esprit démocratique. Ce n’est pas rassurant pour la suite. En tant que parti d’opposition, nous sonnons l’alarme, mais nous ne sommes pas sûrs d’être entendus”, explique Abdelhamid Jmahri, membre du bureau politique de l’USFP. Quelle sera l’attitude des partis de l’opposition lors de la présentation de la déclaration gouvernementale devant les deux chambres du parlement ? “Le gouvernement actuel ne nous facilite pas la tâche. Sa précipitation réduit ce vote à une simple procédure protocolaire. Nous déciderons de la démarche à adopter dans les prochains jours”, conclut Jmahri.

Plus loin. Le roi a gagné…vraiment ?
La politique au Maroc est très simple : une trentaine de partis courent derrière des voix pendant cinq ans et à la fin, c’est le roi qui gagne. Allons droit au but : Mohammed VI est le grand vainqueur de ce processus de formation du gouvernement. Le PJD a pu transformer l’essai des législatives, il a même joué des coudes avec le Palais en imposant Abdelilah Benkirane, secrétaire général du parti, comme Chef de gouvernement. Mais il a dû très vite remettre la balle au centre. Le mode de scrutin ne permet pas à une formation politique de mener une action individuelle. Il faut passer par des alliances, prendre comme coéquipiers des partis plus royalistes que le roi. Le programme passe alors à la trappe et on suit le rythme des partenaires. Pire encore, en deuxième mi-temps, quand l’enfant prodige du Palais (Fouad Ali El Himma) entre sur le terrain des tractations, le Chef du gouvernement s’écroule. Se couche. Il se contente de défendre comme il peut son ministre de la Justice (Mustapha Ramid), laisse filer des ministères de souveraineté, accepte qu’un technocrate chaperonne son ministre de l’Intérieur politique. Bref, une véritable déculottée des barbus dans les arcanes du pouvoir. Mais attention, gagner un match ne signifie pas remporter le graal. Il y a toujours d’autres forces politiques sur le banc. Des islamistes d’Al Adl Wal Ihsane encore plus redoutables que les barbes lisses du PJD, une gauche toujours indisponible pour blessure mais qui peut à tout moment récupérer ses moyens et surtout une rue (incarnée par le M20), dont on n’est jamais à l’abri d’un sursaut d’orgueil. Jouer la montre n’est pas toujours la meilleure des tactiques… F.I.

mardi 17 janvier 2012

La Saga des Yata toujours au top, malgré la disparition du fondateur Ali et la mort d’un des Dupont

À : , Convergences

Objet : Quand Fahd YATA, ex. ou crypto-stalinien, s'érige en en défenseur d'une monarchie corrompue à partir de l'argument que le fric permet de tout acheter. Histoire d'une caravane et d'un chien de garde enragé


La Saga des Yata toujours au top, malgré la disparition du fondateur Ali et la mort d’un des Dupont


La mémoire des communistes marocains makhzénisés reste soigneusement entretenue par le seul survivant de la troïka, l’autre Dupont, l’ineffable Fahd YATA, plumitif patenté de la couronne.

Chez les Yata, la question de l’argent n’a jamais été saisie sur le terrain de la science, dite économique, comme le fait Marx des Manuscrits de 44 au Capital.

Comprendre, dans le fond, le secret de l’emprise terrible de cette altérité sur le corps social, car il y allait du sort même de l’émancipation de l’homme. Non, chez les Yata foin de matérialisme historique ou dialectique, on est avec l’argent dans une lecture psychanalytique.

L’argent n’a pas fait l’objet d’un désir infantile”, selon la formule lapidaire de Freud. En faisant court et pour aller au cœur de l’argumentaire de Fahd YATA, et à sa décharge, je dirais que c’est justement parce que l’argent n’a pas été primitivement ni fondamentalement désiré qu’il peut être “aimé”. C’est aussi parce que l’argent n’est pas objet de désir et de savoir qu’il a vocation à régler le transit du pouvoir.

Je laisse la liberté à Fahd YATA de voir avec son analyste le lien à la fois ambigu et déterminant, de l’argent et de l’inconscient. Ces réflexions préliminaires, me semblaient inévitables, pour souligner pourquoi et comment la quasi totalité du papier de Fahd YATA repose sur la problématique de l’argent; pour du fric, rien que du fric, comme il l’écrit si bien lui-même.

Encore un mot, pour comprendre l’approche “théorique” de Fahd YATA; il faut en effet reconnaître au clan Yata un sens de l’anticipation historique assez considérable pour être souligné avec force ici. Ali, le fondateur a fait plus fort et plus tôt que Gorbatchev avec la Perestroïka et la Glasnost.

Si, en URSS, il a fallu attendre la fin des années 80 pour passer directement du totalitarisme stalinien au règne de la maffia avec Boris Eltsine et Vladimir Poutine, au Maroc, avec Ali Yata, les “communistes” ont réussi une brillante transition d’un marxisme islamo-tropical à un neo-marxisme monarchiste, dès les années 70.

Ali YATA et les siens, se sont trouvés un puissant allié en la personne de Hassan II. Ce dernier, il est vrai, a dépensé sans compter pour Yata: le financement total de son journal Al Bayane en deux langues, celui de l’appareil et toute l’intendance du clan d’Ali. En échange, Ali Yata le communiste, est devenu le champion du chauvinisme national, ambassadeur itinérant dans tous les pays de l’Est pour défendre et expliquer la marocanité du Sahara Occidental, peu avant il s’était débarrassé de tous ses gauchistes, les donnant parfois directement aux flics du Roi.

Sa soumission à Hassan II ira jusqu’à suggérer au roi de bannir Abraham Serfaty, assurant de manière véhémente à Hassan II (devant témoin) que le juif révolutionnaire était brésilien.

Pour le reste et tout le monde connaît la musique, le PPS et Ali Yata ont toujours souffert d’une amnésie totale. Pour eux les années de plomb, Tazmamart , Kalaat Mgouna, au mieux c’était de la fiction d’idéologues des droits de l’homme, au pire de la propagande impérialiste.

Lire aujourd’hui sous la plume de Fahd YATA “que SM le Roi provoque la douloureuse catharsis sur les années de plomb” après avoir institué par dahir l’IER, relève de la forfaiture.

Ecouter le même Fahd, crier au scandale parce qu’un hebdomadaire marocain évoque la liste civile de M6, autrement dit, dévoile à l’opinion comment la maffia du Palais dépouille les richesses de tout un peuple, c’est un crime de lèse majesté.

La règle d’or dans la maffia, c’est le silence. Puisque Tel Quel a violé cette loi, que peut écrire Fahd Yata, sinon son tas d’immondices sur le fric, la concurrence déloyale. Pire encore, tout le bavardage de notre preux pisse-copie repose sur une base axiomatique étalée en toute innocence “la liste civile et le Budget royal sont des éléments constitutifs du cadre institutionnel et constitutionnel légal du Royaume du Maroc. Ses responsables savent pertinemment que les revenus royaux n’ont rien à voir avec les dotations budgétaires accordées au Chef de l’Etat, lequel bénéficie de ce droit comme tous ses homologues de par le monde, qu’ils soient monarques ou présidents !”

Ben voyons! Qui oserait mettre en doute la parfaite symétrie entre M6, le Roi Juan Carlos ou la reine Elisabeth!

En vous moquant, avec ce mépris qu’on vous sait, des petits revendeurs à la criée “qui font l’article à certains ronds points névralgiques de Casablanca en disant aux automobilistes”: "Achètes Tel Quel, y a un dossier sur le salaire du Roi, il gagne plus que tous les Marocains réunis"; vous écrivez, pauvre inconscient, peut-être la seule autre “vérité” de votre article.


Le but visé par Fahd Yata


L’irrévérence fera sans doute rire le premier intéressé, le venin, tout le venin de Fahd Yata est contenu dans sa formule : Le syndrome d’Iznogoud.

Le fric, Tel Quel, Le Monde, tout cela était du pipeau. Une introduction laborieuse pour la mise à mort fantasmée, l’estocade finale contre le Prince Moulay Hicham.

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer intégralement pour qu’on vous comprenne mieux, Monsieur le Valet du Roi, “Tel Quel, enfin, qui sert complaisamment la soupe, à la faveur d’un entretien faussement enjoué, mêlant arabe dialectal et interjections populaires, à un exilé célèbre, aussi imbu de sa personne que méprisant pour tous ceux qui pensent différemment de lui, lesquels, pour certains du moins, n’hésitèrent pas à dire à " Monseigneur " qu’ils percevaient sa démarche critique comme l’expression avérée du syndrome d’Iznogoud.”

Nul doute, qu’à l’époque des soviets avec l’aide des copains de papa, vous auriez jeté ce Prince, même rouge, au Goulag!

Vous n’aimez pas Moulay Hicham et vous avez mille raison de le haïr. Vous qui êtes le spécialiste des équations du premier degré vous avez très vite compris, qu’il n’y a pas équivalence entre M6 et Moulay Hicham. Vous mesurez la différence abyssale entre un Roi qui hérite d’une souveraineté toute makhzénienne, qui flotte dans un habit qui n’est plus taillé à sa mesure, celui d’Amir el Mouminine (Commandeur des croyants) et un prince neo-légitimiste qui n’a d’autre volonté que celle d’arracher son pays à tous les archaïsmes.

Vous avez peur et on vous comprend! Peur de possibles Etats-généraux, peur d’une Constituante, peur de la démocratie et de l’émancipation de 30 millions de sujets. Et c’est cette trouille qui vous taraude, qui vous fait écrire maladroitement tout et n’importe quoi, pourvu que “Monseigneur” ce gêneur se taise, rentre dans le rang, se fasse phagocyter par ce makhzen avec lequel, vous et vos semblables, vous faites fusion.

Il vous faut déchanter, pauvre Fahd! Personne ne vend ou ne brade l’image du roi. Aux deux questions de votre confrère de Tel Quel, vous avez lu comme moi, les réponses éclairantes et cinglantes de Moulay Hicham. Je vous les retranscris pour mémoire:


Une monarchie peut-elle encore être "sacrée", au XXIème siècle ?

La démocratie et la sacralité ne sont pas conciliables. Voilà toute la problématique du système politique marocain. C’est une question qui nous touche tous.


Le système serait en péril si un jour, il ne reposait plus sur le sacré ?

Le système, oui. La question est maintenant de dissocier la monarchie du système califal, ou de faire évoluer ce dernier. Réformer la monarchie est le seul moyen de la pérenniser.”

Comme des milliers d’intellectuels marocains et arabes, je me tiens aux côtés de Moulay Hicham. Il symbolise tout le Maroc que nous voulons et qui n’est pas assurément semblable au vôtre.

Ahmed BENANI

Politologue

Lausanne, le 3 janvier 2005

PS: pour souligner tout le mal que je souhaite à Moulay Hicham, je vous renvoie à ma lettre à l’occasion de son 40e anniversaire




MAROC

LA NOUVELLE TRIBUNE

Nº 432 - 30/12/2005

Par Fahd YATA

Actualité [ 30/12/2005 ]

Pour du fric, rien que du fric

Quand Tel Quel vend et brade l’image du Roi

Croyez-vous aux coïncidences, au hasard, notamment en journalisme ? Croyez-vous qu’il est honnête d’utiliser la liberté de la presse sous prétexte de lever de prétendus tabous, alors qu’il s’agit en réalité d’engranger le maximum de fric en utilisant des procédés très peu éthiques


Lorsqu’un hebdomadaire s’attaque à la liste civile du chef de l’Etat, publie une interview du "Prince citoyen", mène une campagne agressive pour réaliser un chiffre d’affaires conséquent en insertions publicitaires pour le dernier numéro de l’année et clôture son édition par la présentation de ses tirages et ventes, doit-on croire qu’il s’agit-là d’une simple et anodine démarche d’un titre dérangeant et iconoclaste ?

Rien n’est moins sûr, surtout quand on prend la peine de gratter ce vernis superficiel qui recouvre si finement (trop finement sans doute) la démarche professionnelle de l’hebdomadaire Tel Quel, (qui n’a jamais autant mérité son nom) ! Car il nous apparaît tel qu’il est cet hebdo qui s’amuse à enfoncer les portes ouvertes et qui, s’appuyant sur l’ignorance crasse d’une partie de ses lecteurs, lesquels, bien sûr, ne connaissent pratiquement rien du contenu classique d’une Loi de Finances, se paye (dans les deux sens du mot) la personne du Roi, en étalant sur ses colonnes les détails de la liste civile du Chef de l’Etat et le Budget de la Maison royale.

Une démarche journalistique, d’investigation, d’information que celle de Tel Quel ? Que nenni ! Une démarche mercantile, pour faire du fric, et rien que du fric, comme le prouve la campagne agressive à laquelle s’est livré ce titre tout au long de la semaine dernière en direction des annonceurs, en proposant des ristournes pour des insertions dans le numéro double de fin d’année. Nos pourfendeurs des abus de l’appareil sécuritaire, nos adeptes d’une attitude " soft " envers les islamistes, nos donneurs de leçons sur tout et sur rien, nos concombres masqués de cette presse qui fait la joie des élites (dé)branchées de la bourgeoisie analphabète démentiront-ils qu’ils ont assailli de coups de téléphone et de courrier nombre d’entreprises locales et étrangères en proposant " des réductions majeures, jusqu’à 75 % du tarif, pour une insertion dans un numéro spécial sur le salaire du Roi " ?


Le syndrome d’Iznogoud


Démarche déontologique que celle-ci qui conduit à présenter ce qui est public et officiel comme des " documents inédits ", alors qu’on double le tirage et qu’on insiste auprès du distributeur pour une présentation " soignée " du numéro tout au long de la quinzaine à venir ? Au point où certains revendeurs à la criée font l’article à certains ronds points névralgiques de Casablanca en disant aux automobilistes: "Achètes Tel Quel, y a un dossier sur la salaire du Roi, il gagne plus que tous les Marocains réunis".

Un numéro double pour aller passer de joyeuses fêtes de fin d’année, celles-là même que le triste Raïssouni condamne, tandis que Tel Quel se plait à défendre les partisans de l’intolérance. Tel Quel qui prétend qu’on torture les islamistes à Témara et qui, sans pudeur, insère plusieurs pages de publicité pour boissons alcoolisées, de Johnnie Walker à la " Cuvée Première du Président " en passant par " Eclipse de Sahari, un vin d’exception "…

Tel Quel qui précise que "les chiffres ne sont pas sacrés" et qui nous prouve, dans le même temps, que l’argent n’a pas d’odeur, ni de goût…

Tel Quel, enfin, qui sert complaisamment la soupe, à la faveur d’un entretien faussement enjoué, mêlant arabe dialectal et interjections populaires, à un exilé célèbre, aussi imbu de sa personne que méprisant pour tous ceux qui pensent différemment de lui, lesquels, pour certains du moins, n’hésitèrent pas à dire à " Monseigneur " qu’ils percevaient sa démarche critique comme l’expression avérée du syndrome d’Iznogoud.

Après avoir quasiment accusé le Maroc d’être à l’origine de l’assassinat de Hicham Mandari (qualifié aujourd’hui de " crime presque parfait "), publié les " bonnes feuilles " d’Ignace Dalle salissant la mémoire de deux Souverains, l’hebdomadaire en question (au fait, à qui appartient-il vraiment, ce titre qui prône la transparence et qui se fait très discret sur son actionnariat depuis l’été dernier ?), fustige dans un encadré tous ceux qui ont pu bénéficier de "dotations royales " et autres subventions.

Tel Quel n’a-t-il pas reçu, il y a quelques mois, les largesses d’une institution étatique sous couvert de la réalisation d’un numéro spécial sur le tourisme au Maroc ?

N’était-elle pas bienvenue cette " aide " d’un office alors que les actionnaires de l’époque rechignaient devant la nécessité de procéder à une énième augmentation de capital pour renflouer les caisses de l’hebdo ?

Oublié ce temps-là depuis l’arrivée d’un actionnaire généreux et ingénieux, un spécialiste de la presse hexagonale, une " perle " rare dans le Landerneau médiatique marocain…

Parce qu’au Maroc existe effectivement cette liberté de la presse pour laquelle les "blancs becs " n’ont jamais rien subi, parce qu’il ne saurait être question de laisser le fric et la diffamation emporter les valeurs fondatrices d’une presse libre et responsable, quelques vérités seront ici énoncées.

Tel Quel, sans honte ni pudeur, a monté une lamentable opération de marketing en exploitant la personne du Roi, son statut et les droits qui y sont afférents. En proposant des insertions au rabais (repoussées d’ailleurs par plusieurs annonceurs, étrangers notamment, qui n’ont pas voulu associer leur image ou leur nom à cette opération), en prenant en otage d’autres institutionnels qui se trouvent piégés par des ordres d’insertion donnés bien avant la "confection" de ce numéro, l’hebdomadaire Tel Quel trompe et triche, parce qu’il sait, tout comme nous, que la liste civile et le Budget royal sont des éléments constitutifs du cadre institutionnel et constitutionnel légal du Royaume du Maroc. Ses responsables savent pertinemment que les revenus royaux n’ont rien à voir avec les dotations budgétaires accordées au Chef de l’Etat, lequel bénéficie de ce droit comme tous ses homologues de par le monde, qu’ils soient monarques ou présidents !


Money !


Mais, parce qu’il faut vendre espaces et exemplaires, parce que le lectorat local est, y compris dans les sphères "éclairées ", connu pour son manque de culture et de connaissances, on a délibérément choisi de brader la personne du Souverain, en parlant fric pour faire du fric! C’est à cela que sert cette liberté de la presse chère aux rédacteurs de Tel Quel…

Et dans le même temps, comme le prouve la complaisance du quotidien parisien Le Monde, toujours prompt à s’associer à toute démarche anti-monarchique, on se fait complice d’une opération délibérée de sape et de dénigrement des actions les plus nobles et les plus courageuses de l’Etat. Car, comme le comprendront tous ceux qui ont quelque jugeote, au-delà du dossier à sensation sur " le salaire du Roi ", c’est l’entretien avec le Prince Moulay Hicham qui constitue en fait le cœur véritable de ce "numéro double".

En effet, sous le couvert d’une interview " sympa ", l’autoproclamé exilé se livre à une attaque en règle contre la récente initiative de l’IER destinée à donner au peuple marocain l’occasion de se réconcilier avec un passé aussi lourd que méconnu de la plupart de nos concitoyens.

Tandis que SM le Roi provoque la douloureuse catharsis sur les années de plomb, que Tazmamart et Dar El Mokri sont évoqués en direct à la télévision marocaine, Moulay Hicham et Tel Quel chipotent, ratiocinent, critiquent et proposent, tout simplement, de faire précéder la démarche de l’IER "d’élections fondatrices " au motif que " ces auditions ne sont pas une armature assez solide pour un processus de réconciliation complet ". Ni plus, ni moins !

C’est donc la destruction délibérée d’une action unique en son genre à l’échelle du monde arabe et de la communauté islamique que vise le Prince Moulay Hicham, accompagné des preux journalistes de Tel Quel. Parce que SM le Roi a voulu cet exercice aussi courageux que salutaire pour l’approfondissement de la démocratie et l’ancrage pérenne d’une véritable culture de respect des droits de l’Homme, parce que les victimes parlent enfin de leurs traumatismes, de leurs souffrances, un trio, composé d’un hebdo, d’une petite organisation gauchiste (l’AMDH) et d’un opposant avéré à la règle de la primogéniture, se constitue pour tenter de casser une courageuse dynamique totalement inconcevable, il y a à peine cinq ans.


Comme Bob et Al


Et Le Monde, bien évidemment, de prendre le train en marche, pour récupérer à Casablanca et Rabat les lecteurs qu’il a perdus à Paris, en faisant avec Tel Quel ce qu’il fit avec Le Journal avant que cet hebdomadaire ne rentre dans le rang, que ne quittent le navire ses distingués capitaines, partis " étudier " à Londres ou New York, et que se manifeste une nouvelle ligne éditoriale qui a fait perdre à ce titre sa raison d’être.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne craindra pas de prédire qu’une telle mésaventure arrivera tôt ou tard à d’autres, à ceux qui n’ont d’objectif que les maladroites tentatives de sape et de sabotage quand il s’agit à la fois de construire le pays, de développer ses infrastructures, de rehausser le niveau de vie général, de conforter la démocratie, d’accepter de revisiter dignement un passé qui ne sera plus omis ou ignoré.

Faire de l’information sur du vent n’a jamais duré très longtemps.

Vendre et brader l’image du Roi pour un si piètre résultat, Tel est pris Qui croyait prendre !


Fahd YATA


LA NOUVELLE TRIBUNE

Hebdomadaire marocain paraissant le jeudi - Directeur de la publication: Fahd Yata

320 BD Zerktouni, angle rue Bouardel - Casablanca - Maroc

00 212 22 20 00 30 (7 lignes groupées) 00 212 22 20 00 31 courrier@lanouvelletribune.com

De : BENANI AHMED

Répondre à : Maroc_citoyen@yahoogroups.com

Date : Sat, 01 Jan 2005 03:46:43 +0100

À : Maroc 21

Objet : [Maroc_citoyen] "D émocratie et sacralité sont inconciliables" la totalité des propos de My Hicham, le prince "en dissidence" malgré lui. Un bol d'oxygène dans un climat politique délétère (A.BENANI)


http://www.telquel-online.com/156/interrogatoire_156.shtml

TELQUEL



N° 156-157

Samedi 1 Janvier 2005




Par Driss Bennani


"Démocratie et sacralité sont inconciliables"


Antécédents

Moulay Hicham

Prince

1964. Naissance à Rabat

1981. Départ aux États-Unis pour études

1983. Décès de son père, le prince Moulay Abdallah

1995. Signe un article sur les régimes arabes dans Le Monde Diplomatique, rupture avec le Palais royal

1996. Observateur aux élections palestiniennes

2000. Un hélicoptère russe le dépose à Pristina (Kosovo)



Smyet bak ?

Le prince Moulay Abdallah.


N’âam sidi ! Smyet Mok ?


Lamia Riad El Solh.


Ce n’est pas dans les habitudes de la maison, mais smyet Ould âmmek ?

Wa dsara hadi ! Sa Majesté Mohammed VI.


Allah i barek f’aâmer sidi ! Nimirou d’la carte ?

Je n’en ai pas. Je n’ai jamais été la récupérer.


Vous avez quoi comme pièce d’identité, alors ?

Mon permis de conduire et mon passeport.


Nimirou d’lpasseport, donc ?

(De mémoire) 51 55 A.


Ok. Prince rouge, prince des lumières, prince démocrate… ces dénominations flattent-elles votre ego ou vos convictions ?

Ni l’un ni l'autre. Ce sont des dénominations simplistes, des raccourcis utilisés pour la reconnaissance ou la distinction. Quant à moi, je me considère comme un citoyen marocain.


Comme moi ?

(Après réflexion) Oui, comme vous.


Etes-vous vraiment interdit de palais ?

Oui, depuis 1995. J’y suis retourné entre 1997 et 1999 pour voir mon oncle dans le cadre de visites strictement privées, où il n’y avait que lui et moi. La dernière fois, j’y ai assisté aux funérailles de feu Sa Majesté Hassan II


A quand remonte votre dernier contact avec Mohammed VI ?

A Septembre 1999. Il a frappé à ma porte lors du baptême de ma fille en me disant : "tu ne m’invites pas, alors ?". J’ai répondu qu’on n’invite jamais le chef de famille, qu’il est toujours chez lui.


Et depuis, plus rien ?

Je ne l’ai plus jamais revu. Une délégation m’a rendu visite pour m’informer que j’étais, à nouveau, interdit d’accès au palais royal.


Vous dites avoir été victime de persécutions policières, jusqu’où cela est-il allé ?

Je dis que j’ai fait l’objet d’une gestion sécuritaire. Je ne suis pas une victime.


Le prince que vous êtes ne pouvait donc pas faire cesser tout cela ?

Ce n’est pas une question de personnes. Je n’ai pas été seul. D’autres groupes, dont des journalistes, ont connu cela aussi. Je me suis d’ailleurs toujours posé la question de savoir s’il s’agissait d’une décision politique ou d’une autonomisation de quelques lobbies.


Vous parlez d’autres personnes et de journalistes. Vous n’estimez pas qu’un prince a quand même droit à une "gestion" particulière ?

Peut-être, mais elle n’en sera alors que plus grave.


Vous accusez le général Laânigri d’être derrière cette cabale. Qu’est ce qui vous permet de l’affirmer ?

C’est du passé. J’ai dit ce que j’avais à dire. J’en reste là. Disons qu’en 3 ans, on a tous pris de la bouteille… (Sourire)


Pourquoi n’avez-vous pas réagi quand une partie de la presse marocaine vous insultait ?

Ça ne m’a pas choqué. J’ai vu des gens tirer sur mon père et mon oncle. Et j’ai traîné mes guêtres dans pas moins de 3 guerres civiles. Ces réflexes de courtisan ne m’impressionnent pas. Ce que j’en ai retenu, c’est un dysfonctionnement grave, qui aurait pu dégénérer La raison d’être du courtisan est de se prévaloir en flattant le prince. Ça, ça ne changera pas.


Vous reconnaissez-vous en tant que dissident de la monarchie marocaine ?

Si dissidence il y a, ce serait un état de fait qu’on aura créé. Quand j’ai commencé à me définir politiquement dans les années 90, il me semblait, comme à d’autres, que la monarchie faisait son aggiornamento. Cette institution n’étant pas monolithique, je me considérais être un élément de cette diversité. Encore récemment, cela a déchaîné des réactions très violentes. Je suis donc un dissident malgré moi.


Vous êtes un prince progressiste, revanchard ou joueur ?

Revanchard ? Non, je ne le suis pas. La revanche découle de la haine. Très tôt, j’ai appris que c’était le sentiment le plus fort chez les hommes. Qu’il faut le maîtriser, sinon il vous contrôle. Progressiste ? Oui, et je suis joueur à plus d’un égard.


Vous pensez à quoi ?

Au jeu, au Fun Game. C’est un trait de la famille. The game must go on.


Vous avez déjà fait jouer votre rang de prince ?

Si j’avais voulu le faire, j’aurais scotché mes fesses sur la chaise à côté de feu Sa Majesté Hassan II.


A gauche ou à droite ?

J’ai toujours été ailier gauche.


Vous avez dit que vos frère et sœur sont "parfaitement makhzénisés". C’est un tort ?

Je ne l’ai jamais dit.


Bien. Le sont-ils ?

Allez leur demander vous-même.


Depuis tout jeune, vous avez toujours fait votre vie ailleurs. Un prince ne peut-il pas avoir de carrière au Maroc ?

J’ai passé deux décades à essayer de concilier mes convictions et ma réalité. Je ne suis pas arrivé à faire grand-chose. Quand j’ai quitté le Maroc, et ce n’était pas un exil, je voulais prendre du large. J’ai réalisé que ma présence était contre-productive pour tout le monde. Qu’elle gênait le roi et la famille et qu’elle parasitait les vrais démocrates. La distance arrangeait donc tout le monde. Aujourd’hui, je me considère culturellement et identitairement Marocain. Mais ma vie est ailleurs.


C’est parce que vous ne vouliez pas ressembler au genre de prince qu’a été votre père aux côtés de Hassan II que vous êtes parti ?

L’expérience de mon père aux côtés de Hassan II m’a beaucoup appris. Mais les situations ne sont pas analogues. Moulay Abdallah était le compagnon de lutte de Hassan II. Le soldat inconnu, c’est d’ailleurs comme ça que j’appelle sa tombe, comme me l’a suggéré un chef d’État en fonction que je ne nommerai pas. Maintenant, les temps ont changé.


L’histoire a été injuste à l’égard de votre père ?

(Silence ému…) Ce n’est pas dans une interview qu’on peut développer un thème pareil.


Il paraît qu’après la mort de votre père, vous vous êtes autoproclamé chef de votre petite famille. C’est vrai ?

Non. Mais disons qu’à 19 ans, je me suis retrouvé dans des souliers beaucoup plus grands que les miens. À essayer, de manière honorable et satisfaisante, de remplir une partie des fonctions protocolaires de Moulay Abdallah aux côtés de son frère. A continuer d’être le réceptacle de beaucoup de monde pour qui mon père était un conduit vers Hassan II. Et finalement, à être le grand frère d’enfants en bas âge. J’ai fini par dire à mon oncle : "je préfère être votre troisième fils plutôt que votre frère". Je voulais vivre ma jeunesse. Plus tard, j’ai eu des remords de ne pas avoir été assez présent pour mon frère et ma sœur. J’ai rattrapé cela 15 ans après. C’est peut-être mon plus grand accomplissement.


Comment ça se passait, avec Hassan II ?

Ce fut un défi terrible que de vouloir vivre ma vie, en Amérique en plus, face à un oncle traditionnel et autoritaire, voulant ramener le neveu dans son giron, dans la pure tradition islamique. Résultat : des pressions énormes qui se sont déployées de manière contradictoire sur 15 ou 20 ans.


Votre séjour aux États-Unis est à l’origine de votre complexe de supériorité ?

Plutôt à l’origine de la confiance en moi-même et de mon self esteem qui peuvent effectivement mener à un complexe de supériorité. Heureusment qu’on m’a assez secoué pour me faire garder les pieds sur terre.


Hassan II est un personnage qui vous fascine ?

Un personnage qui m’a marqué. J’ai perdu mon père à l’âge de 18 ans, Hassan II a donc, de facto, été mon père pendant 16 ans. Cela veut dire que j’ai presque autant vécu sous Moulay Abdallah que sous Hassan II.


En avez-vous gardé des séquelles ? Par exemple, vous arrive-t-il d’être hassanien ?

J’ai politiquement ouvert les yeux avec Moulay Abdallah. Mais ma vraie politisation a été mûrie aux côtés de Hassan II. Une grande partie de ma personnalité s’est forgée parce que j’ai été autonome par rapport à lui. Cela n’a pas été facile.


Vous avez la réputation d’être un piètre businessman…

Je ne suis pas un golden boy, si c’est ce que vous voulez dire. Ça ne m’a jamais réussi. Comme pour beaucoup d’autres choses, je n’ai jamais vraiment pu me développer au Maroc. Mais je gagne bien ma vie à l’étranger.


Vous êtes riche ?

Ça reste relatif.


TelQuel réserve sa couverture cette semaine au salaire du roi. Et le vôtre ?

Certainement largement inférieur au sien. Mon salaire me permet de vivre décemment.


Seulement ?

Disons confortablement.


Vous percevez un salaire de l’État ?

Un jour, lors d’une partie de chasse, mon oncle m’a convoqué pour me dire : "vu ton goût pour les westerns, tu n’auras qu’un dollar troué". Et il me l’a donné ! Je l’ai encore, d’ailleurs. Aujourd’hui, je vis de mon travail, au Maroc et en dehors du Maroc. Mon père a également laissé un patrimoine dont une bonne partie a été spoliée par des courtisans, et même des grosses pointures…


Lesquelles ?

La règle, c’est de ne pas donner les noms des tortionnaires, c’est ça ? (éclat de rires)


Un prince qui s’ouvre à la presse est un prince bavard ou transparent ?

Peut-être les deux. Aujourd’hui, c’est vous qui avez absolument tenu à ce que je vous parle.


Un ministre français avait dit : "un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne". Et un prince ?

Un prince ne fonctionne pas dans le cadre d’une formation gouvernementale.


Vous réclamez le droit de vous exprimer "librement, sans obligation de réserve, sans renoncer à votre rang princier" Vous n’arrivez pas à choisir ?

Je me suis souvent posé cette question. Quand bien même je renoncerais à mon titre, il y aurait toujours quelqu’un pour répliquer : "ah, mais on ne renonce pas à une filiation biologique !". À un moment, j’aurais chanté "Frère Jacques" à la sortie de la prière du vendredi, on aurait parlé d’incitation à la révolution


Vous financez Le Journal ?

Non.


Et Al Ayyam ?

Non plus.


Vous avez pourtant prêté à deux de ses actionnaires le montant de leur participation au capital…

Il m’est souvent arrivé d’aider des entrepreneurs qui voulaient se lancer dans les affaires. Dans ce cas, ces gens m’avaient dit qu’ils lançaient une affaire en Espagne.


Ils vous ont floué ?

Non.


Ils vous ont remboursé, alors ?

En partie, oui.


Vous avez déjà proposé à Mohammed VI de gouverner à ses côtés ?

Jamais. Ni de près ni de loin.


Pourquoi pas ?

Mon éducation ne me permet pas une telle insolence.


"Le Maroc, pays démocratique" est une déclaration qui vous irrite ?

Non, pourquoi est-ce qu’elle m’irriterait ? Ça dépend de ce que vous voulez dire par "démocratique".


Qui permettrait aux Marocains de vivre pleinement leur citoyenneté…

J’aurai une réponse académique : un régime est démocratique quand il a connu une transition et qu’il est en voie de parachever une consolidation. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure.


Vit-on normalement quand on vit dans un palais, quand des personnes de l’âge de vos parents se courbent à votre passage et vous embrassent l’épaule 20 fois par jour ?

Non. C’est une déformation terrible de la réalité. S’il n’y a pas de contact avec le monde extérieur pour rattraper cette déformation, on vit dans une bulle. Ça peut même mener à la destruction.


Une monarchie peut-elle encore être "sacrée", au XXIème siècle ?

La démocratie et la sacralité ne sont pas conciliables. Voilà toute la problématique du système politique marocain. C’est une question qui nous touche tous.


Le système serait en péril si un jour, il ne reposait plus sur le sacré ?

Le système, oui. La question est maintenant de dissocier la monarchie du système califal, ou de faire évoluer ce dernier. Réformer la monarchie est le seul moyen de la pérenniser.


Vous avez connu Hicham Mandari ?

Oui, j’ai dû le rencontrer deux ou trois fois dans ma vie.


Il revendiquait une filiation alaouite, et ça ne vous a pas fait réagir. Pourquoi ?

à quel titre aurais-je dû réagir ? Je ne représente que moi-même. Je m’occupe de ma personne.


Par contrainte ou par choix ?

Par choix. Je n’aurais pas été aussi bien dans ma peau, sinon.


Les auditions publiques de l’IER ont commencé cette semaine Vous croyez à une réconciliation par le témoignage ?

Oui, mais je crois que c’est insuffisant. Il faut aller jusqu’au bout de la démarche. Ces auditions ne sont pas une armature assez solide pour un processus de réconciliation complet. C’est très important mais ça ne peut qu’accompagner la transition. Commencer par ça, c’est inédit. Normalement, on commence par une réforme de la chose institutionnelle, par des élections fondatrices, etc. Maintenant, quelques éléments de la société civile ont voulu faire évoluer le système de l’intérieur. D’autres ont peut-être cherché à l’infiltrer, pour le faire entrer dans un engrenage intenable, tout en contradictions. Ce n’est pas pour autant qu’il faut crier au scandale. Sauf que je me demande comment on peut parler de tout cela alors qu’Amnesty et Human Rights Watch viennent de relever des atteintes sérieuses aux droits humains, et que des livres sont encore interdits au Maroc…


Rien n’a donc changé, selon vous ?

La question est de savoir si les dispositions prises après le 16 mai sont le fruit d’un dysfonctionnement de la sécurité face à une menace d’un nouveau genre, ou si on reconduit l’approche sécuritaire classique, cette fois contre une opposition islamiste. La question, pour moi, reste ouverte.


Vous croyez au salut par la société civile ?

Avant, on contrôlait le champ politique par la cooptation de ses acteurs. Aujourd’hui, on coopte la société civile, comme vous dites, pour stériliser le politique. La logique des systèmes a la vie dure.


Vous trouvez normal que Driss Basri soit privé de son passeport ?

Je ne connais pas le détail de l’argumentaire des uns et des autres concernant la question du passeport. Quant à M. Basri, la question qui se pose est : veut-on le juger pour ses actes ? Dans ce cas, il n’y a pas que lui qu’on devrait juger. Si ce n’est pas le cas, il peut jouir de sa liberté, et même se présenter aux élections. Aux Marocains, alors, de choisir.


Quand vous parlez de jugement, vous pensez à votre oncle ?

Je ne trouve pas que la gestion du legs de Hassan II obéit à une démarche claire. La monarchie est un système politique basé sur la continuité. Aujourd’hui, il y a une envie de scinder Hassan II en "bon" et "mauvais". Le "mauvais" qu’on attaque, sans jamais le nommer, pour construire la légitimité du nouveau règne. Et le "bon", qui constitue le socle confortable et imperturbable sur lequel repose la monarchie. Je pense à l’édifice institutionnel et à l’appareil administratif qui permettent au roi de gouverner tranquillement. L’exercice a ses limites.


Jeune Afrique a titré sur vous "l’homme qui voulait être roi". Comment avez-vous pris ça ?

Je me suis bien marré. Les posters dans la rue m’ont impressionné. C’était du Michaël Jackson sans Michaël Jackson.


Pourquoi votre bureau est-il si discret ? Qu’espériez-vous trouver ? Une petite guérite de flics, au moins ?

(Rires) Je m’estime heureux de ne pas avoir été embarqué par ces flics dont vous parlez.


A qui le doit-on si, après la mort de Hassan II, le Maroc n’a connu ni dictature des généraux ni émeutes sociales ?

À la maturité des Marocains, et à l'espoir suscité par le nouveau règne.


Qu’aimeriez-vous qu’on dise de Moulay Hicham quand il ne sera plus de ce monde ?

Qu’il a modestement, à côté d’autres Marocains qu’il a eu l’honneur de côtoyer, œuvré pour une troisième voie, entre la monarchie absolue et l’aventure, quand une fenêtre historique s’est ouverte.


L’Histoire ne retient malheureusement que les essais transformés…

Exact. Machiavel disait : la politique, c’est aussi la fortuna (chance). Et les peuples ne meurent jamais.

© 2004 TelQuel Magazine. Maroc. Tous droits résérvés



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A l’occasion du 40e anniversaire du Prince Moulay Hicham

(4 mars 2004)




Moulay Hicham, Prince Citoyen


Pardon d’être iconoclaste et de vous le dire avec toute mon affection, il y a quarante ans vous êtes né Prince pour devenir citoyen, sans doute le premier citoyen de notre pays. Il y a ceux qui ont confondu succession de trône et changement de régime, néo-makhzen et movida, Perestroïka et Glasnost. Beaucoup, parmi vos admirateurs ou vos détracteurs, vous ont prêté le rôle d’un Deus Ex Machina de la scène politique marocaine. Le sujet marocain souffre toujours du pathos de confier à un homme, une autorité inconditionnelle, en ne sachant pas que c’est la racine même de la tyrannie totalitaire.

Vous avez pris une distance salutaire, le temps de vous « ressourcer » selon votre déclaration, on ne peut que vous donner raison ; en somme vous vous retrempez dans l’intelligence du monde. Votre parcours jusqu’ici, témoigne d’une extraordinaire lucidité. Vos recherches, vos écrits, vos prises de position, pour celles et ceux qui ont en retenu l’essence savent en conscience qu’ils s’inscrivent dans une espérance qui nous est commune : l'émergence d'une société civile où l’individu-citoyen devrait commencer à faire l'apprentissage de l'autonomie responsable vis-à-vis d'un État qui serait alors en relation de réciprocité de droits et de devoirs avec les citoyens dont il devient l'émanation. Vous nous rappelez sans cesse que cette évolution ne s'est produite dans aucun des régimes arabes, et que c’est toujours l'autoritarisme de l'État patrimonial qui prime.

Moulay Hicham, Prince Citoyen, prend date avec l’Histoire, innove, s’expose, il fait un job que la lourde tradition makhzenienne réprouve. Quelle secousse ! Quelle brèche aussi, et pour la colmater quoi d’autre que la bonne vieille logique sécuritaire ! En prenant du champ, vous avez pris de la hauteur, la dérision elle, est restée dans les mêmes cercles. Chacun peut relever que la légitimité politique continue de fonctionner sur des valeurs de groupe englobantes, calamiteuses et mystifiantes; elle exclut le statut de citoyenneté en opérant ou en tentant d'opérer une fusion entre société et appareil d'État, entre le peuple et le Roi.

C’est un bonheur infini pour moi de vous avoir connu, de savoir que vous existez et, comme je vous le dis souvent en plaisantant à moitié, mais à moitié seulement, j’attends le jour où nos compatriotes sentiront en quoi ils vous sont redevables, comment ils doivent vous mériter. Ce don symbolique, est synonyme d’un travail de longue haleine. Un débat, que vous avez eu l’audace et le mérite d’initier. Un débat démocratique continu, libre, ouvert aux grands problèmes internes de notre société aussi bien qu'aux défis permanents de la vie internationale, de l'économie mondiale, de l'ordre - ou désordre politique et militaire, de la philosophie libérale, des stratégies géopolitiques, des mutations idéologiques, de la sécularisation, etc. Les hommes et les femmes capables de nourrir ce débat ne manquent pas, mais il n'y a ni les cadres sociaux qui le transformeraient en un mouvement politique ou intellectuel significatif, ni des espaces institutionnels qui l'amplifieraient tout en garantissant la pertinence. On retrouve la question de l'individu-citoyen qui cherche à émerger, mais qui ne trouve pas de points d'appuis solides ni dans la société, ni dans les diverses sphères de l'expression du pouvoir, ni dans une culture figée ou silencieuse à l’orée de la modernité.

Moulay Hicham, vous avez quarante ans aujourd’hui et moi un espoir, celui d’assister de votre vivant à l’éclosion d’un Maroc nouveau pour lequel vous avez nourri, avec nous, les rêves les plus fous !

Votre ami et compagnon, Ahmed BENANI


Lausanne, le 6 février 2004