vendredi 10 février 2012

II eme coup de gueule du mois, Ahmed Benani sur le Printemps arabo-hollywoodien!

2eme coup de gueule de la semaine, j'ai besoin d'une pause ou d'un grand dialogue saint et salutaire!

Depuis Bouazizi, les chroniqueurs du dimanche et les philosophes des plateaux TV n'arrêtent pas de parler du Printemps arabe comme d'un scénario hollywoodien. Chaque fois ils écrivent un nouveau chapitre avec du sang et des larmes, la narration et l'image empruntent aux fantasmes, aux délires à la fiction des mauvais jours dans les chaumières d'Occident. Le complot islamiste, la main d'Al Qaïda, les prédictions des Protocoles des Sages de Sion, la connivence israélo-sioniste; en une page ou en mille, c'est la récurrence pathologique que ce Printemps est tout sauf arabe et que si par malheur, on voit ici ou là des femmes manifester de manière autonome, des jeunes s'immoler ou des manifestations, de l'Atlantique au Golfe, réclamer le départ des tyrans, il ne peut s'agir que d'erreurs de casting. Il faut remplacer les scénaristes, revoir les scripts, engager de nouveaux figurants! Ce délire est en voie de passage sur les réseaux sociaux et subitement les voix amazigh s'élèvent pour dire qu'elles n'ont rien d'arabes, que les chars de Kaddafi ont été détruits par l'Otan financée par l'Emir du Qatar, que les Syriens sont suspects (quoi tout un peuple en colère, qui depuis mars 2011 n'arrive pas à renverser un seul tyran!). D'autres exemples sont donnés pèle-mêle, Moncef Marzouki a trahi la Révolution de Jasmin et s'est fait avoir par Ennahda, l'Algérie est la plus sage des Nations, elle a connue tout ça il y a 20 ans et n'a de leçons à recevoir de personne, le Maroc, voit la confirmation de sa modernité grâce au savoir du Sultan M6, chef éclairé parmi les illuminés de la terre. Alors quoi, encore parler de la Révolution Arabe, vous êtes définitivement mono-maniaque, il n'y a pas plus de révolution que de champagne dans la théière de Benkirane. Tout cela est un mauvais rêve, Hollywood va mettre le scénario à la poubelle, il ne rapporte plus un cent, les jeunes vont se suicider à la campagne loins des regards indiscrets, les femmes vont de planquer derrière leur voile ou sous leur burqa. L'ordre va enfin régner, avec une nouvelle idéologie, syncrétisme de wahhabisme et de salafisme , financement qatari et couverture médiatique unique: الجزيرة نت
www.aljazeera.net/. Révolution Arabe , the game is over. Pendant que les nains de la pensée décortiquent mes mots méchants, retournons au travail et poussons la roue de l'Histoire! Ahmed Benani , Lausanne, le 10 février 2012

mardi 7 février 2012

Stop à l'occidentalo-centrisme- Edgar Morin

UN EXCELLENT PAPIER D'EDGAR MORIN ("le Monde", 8 février 2012) : "Stop à l'occidentalo-centrisme"

Chaque culture a ses vertus, ses vices, ses savoirs, ses arts de vivre, ses erreurs, ses illusions. Il est plus important, à l’ère planétaire qui est la nôtre, d’aspirer, dans chaque nation, à intégrer ce que les autres ont de meilleur, et à chercher la symbiose du meilleur de toutes les cultures.
La France doit être considérée dans son histoire non seulement selon les idéaux de Liberté-Egalité-Fraternité promulgués par sa Révolution, mais aussi selon le comportement d’une puissance, qui, comme ses voisins européens, a pratiqué pendant des siècles l’esclavage de masse, a dans sa colonisation opprimé des peuples et dénié leurs aspirations à l’émancipation. Il y a une barbarie européenne dont la culture a produit le colonialisme et les totalitarismes fascistes, nazis, communistes. On doit considérer une culture non seulement selon ses nobles idéaux, mais aussi selon sa façon de camoufler sa barbarie sous ces idéaux.
Nous pouvons tirer fierté du courant autocritique minoritaire de notre culture, de Montaigne à Lévi-Strauss en passant par Montesquieu, qui a non seulement dénoncé la barbarie de la conquête des Amériques, mais aussi la barbarie d’une pensée qui « appelle barbares les peuples d’autres civilisations » (Montaigne).
De même le christianisme ne peut être considéré seulement selon les préceptes d’amour évangélique, mais aussi selon une intolérance historique envers les autres religions, son millénaire antijudaïsme, son éradication des musulmans des territoires chrétiens, alors qu’historiquement chrétiens et juifs ont été tolérés dans les contrées islamiques, notamment par l’Empire ottoman.
Plus largement, la civilisation moderne née de l’Occident européen a répandu sur le monde d’innombrables progrès matériels, mais d’innombrables carences morales, à commencer par l’arrogance et le complexe de supériorité, lesquels ont toujours suscité le pire du mépris et de l’humiliation d’autrui.

Sagesse et arts de vivre
Il ne s’agit pas d’un relativisme culturel, mais d’un universalisme humaniste. Il s’agit de dépasser un occidentalo-centrisme et de reconnaître les richesses de la variété des cultures humaines. Il s’agit de reconnaître non seulement les vertus de notre culture et ses potentialités émancipatrices, mais aussi ses carences et ses vices, notamment le déchaînement de la volonté de puissance et de domination sur le monde, le mythe de la conquête de la nature, la croyance au progrès comme lot de l’histoire.
Nous devons reconnaître les vices autoritaires des cultures traditionnelles, mais aussi l’existence de solidarités que notre modernité a fait disparaître, une relation meilleure à la nature, et dans les petites cultures indigènes des sagesses et des arts de vivre.
Le faux universalisme consiste à nous croire propriétaires de l’universel – ce qui a permis de camoufler notre absence de respect des humains d’autres cultures et les vices de notre domination. Le vrai universalisme essaie de nous situer en un métapoint de vue humain qui nous englobe et nous dépasse, pour qui le trésor de l’unité humaine est dans la diversité des cultures. Et le trésor de la diversité culturelle dans l’unité humaine.

jeudi 2 février 2012

Le monde arabe est-il vraiment en "hiver" ? Le Monde



par Peter Harling, directeur des activités de l'International Crisis Group en Egypte, en Syrie et au Liban

Si le "printemps arabe" suscitait l'enthousiasme aux beaux jours, le pessimisme est désormais de saison. Dans les médias, un glissement sémantique s'est opéré du thème révolutionnaire vers un registre à connotations négatives, où le triomphe des islamistes, les dynamiques de guerre civile, la désillusion et l'impuissance figurent en bonne place. Aussi les commentaires donnent-ils la part belle aux clivages identitaires, au retour en force des réactionnaires, aux ingérences étrangères jugées nécessaires ou désastreuses, ou encore à des processus de réforme en trompe-l'œil.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que le moment fulgurant des révolutions éclairs, en Tunisie et en Egypte, cède le pas à une grande confusion. Presque partout dans le monde arabe, nous assistons à une renégociation, plus ou moins ambitieuse et violente, de tout un contrat social. A la complexité des cas individuels s'ajoutent leurs fortes corrélations, dans une région en ébullition, où le "modèle tunisien" est discuté jusqu'au fin fond des campagnes syriennes.

L'articulation de crises domestiques profondes et d'enjeux stratégiques cruciaux, renvoyant à la place de l'Iran et d'Israël sur la scène internationale. Enfin, face à des bouleversements historiques, dont l'ampleur et la nature ne nous seront intelligibles qu'a posteriori, les acteurs sociaux et politiques – y compris les plus rationnels et les plus dangereux – en sont réduits à l'improvisation, faisant de leurs erreurs de jugement un inquiétant facteur d'incertitude.

Ce qui est frappant n'est pas tant le désordre qu'un désir de le clarifier. Un an après la fuite du président Ben Ali, beaucoup aimeraient que l'heure des bilans ait déjà sonné. Au lieu de tirer des conclusions au moment où il est plus que jamais difficile de le faire, il s'agit plutôt de s'arracher à une temporalité journalistique – qui, quand elle ne réduit pas des processus historiques à des crises, est prompte à lesqualifier d'impasse.

Ce qui rend les transitions en cours impossibles à juger, c'est qu'elles fontapparaître d'innombrables tensions latentes au sein des sociétés de la région, au moment même où elles font disparaître les moyens traditionnels de leur gestion, puisque les procédés habituels des régimes sont très exactement ce que leurs sujets ne tolèrent plus. L'enjeu de ces renégociations consiste justement à recréerdes mécanismes de règlement des conflits sociaux, sur des bases nouvelles elles-mêmes source de conflits. Il n'est dons pas surprenant de les voir susciter des désaccords, voire des violences. Le véritable point d'interrogation porte sur l'apparition de systèmes politiques accordant une importance centrale à la légitimité populaire, dans une région qui en a jusqu'à présent été dépourvue.

Dans l'ère postcoloniale, les pouvoirs en place dans le monde arabe ont mobilisé trois formes de légitimité, à savoir stratégique, clientéliste et autoritaire. Tout d'abord, ils se sont établis dans un certain rapport avec le jeu des grandes puissances, en tant que garants de leurs intérêts ou, au contraire, symboles d'émancipation et de résistance. Dans un cas comme dans l'autre, de cette posture dérivait des ressources (alliances politiques, soutien financier, fournitures d'armes) indispensables à la perpétuation des régimes.

Ensuite, ils ont assuré une meilleure répartition des ressources disponibles au sein de leurs sociétés, après des siècles de concentration des richesses entre les mains d'une élite circonscrite et de pillage par des puissances extérieures. Enfin, et dans le prolongement d'une tradition coloniale bien ancrée, tous ont justifié l'autoritarisme comme le seul ciment de sociétés fragiles, menacées de régression et d'éclatement par des forces obscurantistes, de l'islamisme au tribalisme en passant par les clivages communautaires. L'Etat s'est ainsi construit comme un appareil de redistribution et de contrôle, à l'encontre de toute notion de citoyenneté.

Les rares expériences démocratiques tentées ces dernières décennies, susceptibles d'introduire un nouveau rapport à l'Etat, ont toutes été sabordées. Au Liban et en Irak, l'institutionnalisation du partage communautaire des prérogatives politiques, sous le mandat français et l'occupation américaine réciproquement, enferme les électeurs dans un système qui renforce les fractures ethniques et confessionnelles. En Algérie et en Palestine, les tentatives d'ouverture du jeu politique à la participation populaire ont fait long feu suite au rejet brutal du vote islamiste, débouchant dans les deux cas sur des affrontements laissant des séquelles durables.

Les transitions qui se jouent aujourd'hui reflètent naturellement cet héritage. Les régimes, mis au défi des mobilisations populaires, n'ont pas hésité à jouer sur les registres habituels : ils appellent leurs alliés au secours et crient au complot étranger ; paternalistes, ils distribuent avantages et concessions ; et ils agitent la peur du chaos, en se référant notamment à l'Algérie et à l'Irak. Ils répriment certes, mais ils tentent surtout de saborder les expressions de citoyenneté que sont des manifestations non violentes et socialement transversales en tâchant deréintroduire les clivages dont ils ont toujours su jouer. Les sociétés, elles, tentent instinctivement de les dépasser, travail ardu compte tenu des anxiétés profondément ancrées et des structures (sociales, religieuses, médiatiques, politiques) qui tendent traditionnellement à les enraciner.

Ce n'est donc pas un hasard si les questions identitaires – notamment les relations intercommunautaires, les particularismes régionaux, et le rôle de l'Islam dans l'Etat – sont déterminantes dans les transformations enclenchées à travers la région, qu'il s'agisse de révolutions ou de réformes. Car ces tensions régimes les exacerbaient, les manipulaient et les maîtrisaient tout à la fois. Aujourd'hui au moins, une chance se dessine de voir émerger des systèmes politiques n'excluant pas tout sentiment de citoyenneté. Déjà, un foisonnement d'initiatives citoyennes fourmille dans toute la région. C'est le versant caché de l'histoire, occulté par la violence de la répression, le triomphe électoral des islamistes et les grands enjeux stratégiques.

Pour l'heure, les sociétés se trouvent mises à nu, transparentes à elles-mêmes et au reste du monde, et pour la première fois contraintes de faire face à leurs propres démons. Plus moyen d'ignorer le quasi-apartheid qui s'est instauré à Bahreïn entre minorité sunnite au pouvoir et majorité shiite. Le sécularisme de l'Etat et des élites tunisiennes va bien devoir s'accommoder d'une société conservatrice longtemps méprisée. Le caractère pluriel de la société syrienne exige de repenser le pacte social plutôt que de miser, qui sur le prétendu garde-fou que constituerait le régime actuel, qui sur une mythique convivialité intercommunautaire que le régime serait le seul à menacer. En Libye, l'absence d'un Etat, et même d'un centre autour duquel il pourrait s'organiser, n'est plus escamotée par l'utopie d'un tyran. Et l'Egypte, où la société aime tant s'imaginer homogène et consensuelle, ne pourra résoudre ses conflits – sur la place à accorder à l'armée, à l'Islam et aux Chrétiens notamment – sans d'abord accepter leur existence de plus en plus flagrante. Les lignes de faille des sociétés arabes sont désormais béantes et manifestes ; il s'agit maintenant de les reconnaître et de les assumer.

En Occident, l'obsession de l'islamisme continue à orienter les perceptions de ces changements pourtant complexes. Le succès de tout processus de démocratisation reposera pourtant sur sa capacité à produire une image relativement fidèle et nuancée de la société. Accepter le produit de décennies d'islamisation insidieuse des sociétés arabes, encouragée par la fermeture des systèmes politiques et exploitée comme justification du statu quo, en fera partie, à moins de précipiter des conflits qui se feront au détriment de toute démocratie. Dans la recherche d'une représentation plus juste des sociétés, il est du reste absurde de se référer à la seule aune de l'Islam. De graves déséquilibres géographiques (entre la côte et l'arrière-pays tunisien par exemple) pourraient êtreréparés. Par endroits, la résurgence des élites urbaines (en Libye et en Syrie notamment) s'articule avec la réaffirmation des masses populaires, dans une région où leurs relations ont généralement été antagoniques. Et le rapport des diasporas à leurs pays d'origine, longtemps dominé par l'exode économique et l'exil politique, voit naitre un sentiment nouveau de fierté et de destinée partagée.

Ces processus de renégociation profonde du pacte social ont la particularité d'êtreprofondément intuitifs. Bien qu'ils subissent un lourd héritage du passé, ils se distinguent par une étonnante absence de modèle à suivre pour tracer l'avenir. Ils se déroulent en effet dans une ère post-idéologique, définie par l'effondrement successif des grands paradigmes politiques et économiques. Même l'"islamisme", en tant que projet de transformation de l'Etat, porte les stigmates de ses nombreuses impasses (de l'Algérie à l'Afghanistan en passant par l'Arabie Saoudite et l'Iran) et tend à se recentrer autour de questions de bonnes mœurs, jusque dans la "bonne gouvernance". Or sans grande vision à offrir, point de figures populistes de leadership, d'intellectuels chargés d'élucider le monde, ou de médias se contentant de propager le dogme. Les positionnements individuels tendent à se nourrir de multiples influences, dans un foisonnement dont on n'a aucune idée, au fond, de ce qu'il produira à terme.

Pour les acteurs politiques, s'adapter à de telles incertitudes pose problème, évidemment. Pour l'instant, une règle fort simple semble s'appliquer : ceux qui ont le moins à perdre y réussissent le mieux. De tous les mouvements islamistes, le parti tunisien al-Nahda est le plus en phase avec l'air du temps : de retour d'exil dans un pays où ses structures avaient été éradiquées, il avait toute liberté de secouler dans le jeu démocratique émergent, en mobilisant cadres, militants et électeurs autour d'un discours inclusif et d'un programme de gouvernement. Par contraste, l'immense mécanique des Frères Musulmans égyptiens, enracinée de longue date, continue sur sa lancée – avec des structures dirigeantes opaques, un discours ambigu, un projet de prédication plus qu'une vision politique. Cela ne les a pas empêché de faire un score spectaculaire aux élections, mais ce triomphe ne fait qu'accroître les attentes d'une population qui exige des progrès rapides et concrets – et pas simplement davantage d'Islam.

Sur le plan stratégique, une même distinction reste valide. La Turquie a su surfersur la vague de l'opinion publique parce qu'elle n'était encombrée d'aucune des pesanteurs qui paralysaient les Etats-Unis et l'Europe : la sécurité d'Israël, la peur des islamistes, et la stabilité des monarchies pétrolières du Golfe. Le Qatar, régime richissime et "hors sol", puisque sans véritable peuple, n'avait pas à s'inquiéter d'un possible effet de contagion, à la différence de ses voisins, notamment saoudiens. L'Iran et le Hizbollah, pour leur part, ont applaudi les mobilisations populaires tant qu'elles déstabilisaient les suppôts de l'Occident mais s'arrêtaient aux frontières de l'axe de la résistance ; au-delà, tout n'était forcément que complot. Hamas, qui a depuis longtemps fait le pari de l'opinion publique arabe, qui considère son musèlement comme le principal obstacle à la promotion de la cause palestinienne, et qui était de plus en plus embouti dans une bande de Gaza assiégée, avait plus à espérer qu'à craindre d'une redistribution des cartes à l'échelle de la région. Bien sûr, Israël ne pouvait que faire le calcul inverse.

Que "ceux qui ont le plus à perdre changent le moins" soit un truisme, soit, mais c'est aussi une clef de compréhension des points de fixation à attendre parmi des bouleversements initiés par ceux, justement, qui pensent avoir si peu à perdrequ'ils sont disposés à descendre dans les rues au sacrifice de leur vie. En Egypte, où la scène politique est moins morcelée que dominée par deux acteurs hégémoniques et rivaux, l'armée et les Frères Musulmans, leur acceptation du processus politique à condition qu'il valide leurs ambitions de contrôle risque decompliquer toujours davantage la transition.

Sur la scène régionale, les principaux acteurs des grands conflits stratégiques, après une forme de trêve liée à leur confusion initiale, ont progressivement durci leurs positions. Aujourd'hui, les Etats-Unis soutiennent Israël plus aveuglement que jamais, font monter la pression sur l'Iran, voient dans le renversement du régime syrien l'occasion d'affaiblir le Hizbollah, et font mine de rien lorsque leurs alliés du Golfe répriment toute dissension. Les ennemis de Washington ne se privent pas, naturellement, de lui donner le change. Sous une forme ou sous une autre, les perspectives de guerre, en Iran, en Syrie, au Liban ou à Gaza hantent de nouveau la région. Ces tensions vont probablement peser de plus en plus lourd sur le cours des évènements. Elles pourraient constituer une source de régression possible, en détournant l'attention ou en influençant l'issue des conflits domestiques qui perdurent.

Mais dans une période de recompositions sociales et politiques de grande amplitude, le plus sûr est d'admettre que nous n'en savons rien. La conduite la plus rationnelle, face à un niveau d'incertitude déroutant pour une zone si explosive, serait de calmer le jeu, en essayant de dissocier autant que possible les crises nationales des grands enjeux stratégiques. C'est ce que les mouvements de protestation, dans l'ensemble, ont fait instinctivement, en mettant de côté les questions traditionnellement mobilisatrices de politique étrangère. Mais celles-ci reviennent en force, pour le meilleur et pour le pire, dans une gigantesque aventure où tout ce que l'on croyait connaître de la région pourrait être remis en question.