Ahmed Benani A l’occasion du 40e anniversaire du Prince Moulay Hicham
(4 mars 2004)
Moulay Hicham, Prince Citoyen
Pardon d’être iconoclaste et de vous le dire avec toute mon affection, il y a quarante ans vous êtes né Prince pour devenir citoyen, sans doute le premier citoyen de notre pays. Il y a ceux qui ont confondu succession de trône et changement de régime, néo-makhzen et movida, Perestroïka et Glasnost. Beaucoup, parmi vos admirateurs ou vos détracteurs, vous ont prêté le rôle d’un Deus Ex Machina de la scène politique marocaine. Le sujet marocain souffre toujours du pathos de confier à un homme, une autorité inconditionnelle, en ne sachant pas que c’est la racine même de la tyrannie totalitaire.
Vous avez pris une distance salutaire, le temps de vous « ressourcer » selon votre déclaration, on ne peut que vous donner raison ; en somme vous vous retrempez dans l’intelligence du monde. Votre parcours jusqu’ici, témoigne d’une extraordinaire lucidité. Vos recherches, vos écrits, vos prises de position, pour celles et ceux qui ont en retenu l’essence savent en conscience qu’ils s’inscrivent dans une espérance qui nous est commune : l'émergence d'une société civile où l’individu-citoyen devrait commencer à faire l'apprentissage de l'autonomie responsable vis-à-vis d'un État qui serait alors en relation de réciprocité de droits et de devoirs avec les citoyens dont il devient l'émanation. Vous nous rappelez sans cesse que cette évolution ne s'est produite dans aucun des régimes arabes, et que c’est toujours l'autoritarisme de l'État patrimonial qui prime.
Moulay Hicham, Prince Citoyen, prend date avec l’Histoire, innove, s’expose, il fait un job que la lourde tradition makhzenienne réprouve. Quelle secousse ! Quelle brèche aussi, et pour la colmater quoi d’autre que la bonne vieille logique sécuritaire ! En prenant du champ, vous avez pris de la hauteur, la dérision elle, est restée dans les mêmes cercles. Chacun peut relever que la légitimité politique continue de fonctionner sur des valeurs de groupe englobantes, calamiteuses et mystifiantes; elle exclut le statut de citoyenneté en opérant ou en tentant d'opérer une fusion entre société et appareil d'État, entre le peuple et le Roi.
C’est un bonheur infini pour moi de vous avoir connu, de savoir que vous existez et, comme je vous le dis souvent en plaisantant à moitié, mais à moitié seulement, j’attends le jour où nos compatriotes sentiront en quoi ils vous sont redevables, comment ils doivent vous mériter. Ce don symbolique, est synonyme d’un travail de longue haleine. Un débat, que vous avez eu l’audace et le mérite d’initier. Un débat démocratique continu, libre, ouvert aux grands problèmes internes de notre société aussi bien qu'aux défis permanents de la vie internationale, de l'économie mondiale, de l'ordre - ou désordre politique et militaire, de la philosophie libérale, des stratégies géopolitiques, des mutations idéologiques, de la sécularisation, etc. Les hommes et les femmes capables de nourrir ce débat ne manquent pas, mais il n'y a ni les cadres sociaux qui le transformeraient en un mouvement politique ou intellectuel significatif, ni des espaces institutionnels qui l'amplifieraient tout en garantissant la pertinence. On retrouve la question de l'individu-citoyen qui cherche à émerger, mais qui ne trouve pas de points d'appuis solides ni dans la société, ni dans les diverses sphères de l'expression du pouvoir, ni dans une culture figée ou silencieuse à l’orée de la modernité.
Moulay Hicham, vous avez quarante ans aujourd’hui et moi un espoir, celui d’assister de votre vivant à l’éclosion d’un Maroc nouveau pour lequel vous avez nourri, avec nous, les rêves les plus fous !
Votre ami et compagnon, Ahmed BENANI
Lausanne, le 6 février 2004
vendredi 26 mars 2010
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