Journal 24 HEURES 22 Mai 2004

Chez Ahmed Benani, on sent tout de suite

Chez Ahmed Benani, on sent tout de suite l'homme de goût. Vêtu avec l'élégance nonchalante des couturiers italiens, fumant ses blondes comme si elles étaient un bien précieux, il reçoit dans un bureau qu'on devine autant propice aux réflexions intellectuelles qu'aux rêveries. Tapissée de livres frémissants de lectures comparées et sans cesse renouvelées, la pièce dégage de multiples parfums qu'on dira volontiers orientaux. Bougies, fioles et flacons donnent en tout cas une odeur au savoir imprégnant ce boudoir situé non loin de la synagogue. Un voisinage qui n'incommode pas ce directeur d'une ONG visant au dialogue israélo-palestinien. Marocain d'origine, Lausannois d'adoption, Ahmed Benani et ses multiples chapeaux est une figure familière des beaux quartiers de l'orient lausannois. Ce professeur n'est toutefois pas du genre à se cantonner dans un petit coin de ville. Homme de dialogue et d'ouverture, il tord le cou aux raccourcis sémantiques, il traque les a-priori. Face à l'ignorance et la bêtise, on l'imagine volontiers sortir de ses gonds. Mais il se pourrait aussi qu'il fasse usage de son humour épicé à la marocaine. Fils d'un érudit musulman, revendiquant cet héritage spirituel et culturel, il connaît très bien l'islam dont il étudie l'évolution avec passion. Sans pour autant le pratiquer. Une particularité que certains esprits dogmatiques peinent peut-être à accepter. Pas de quoi ébranler cet amoureux de Courbet dont la reproduction splendide d'un buste féminin orne la paroi de son bureau. Après tout, le Prophète n'aimait-il pas tant les femmes et le parfum que la prière ?