mercredi 24 mars 2010

Abraham Serfaty Le judaïsme marocain à Jérusalem

Le Judaïsme marocain et Jérusalem
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Permettez moi une remarque liminaire: beaucoup de ce que je pourrai avancer ici est valable pour l'ensemble du judaïsme oriental en Israël et, plus précisément, du judaïsme arabe qui en constitue la très grande majorité. Mais il se trouve que je suis plus qualifie pour parler du judaïsme marocain; il se trouve aussi que celui-ci est le plus nombreux, et sans doute le plus dynamique sur la scène politique et culturelle, des communautés juives orientales en Israël et que son Histoire et sa culture, grâce notamment aux travaux de Haïm Zafrani, ont fait et continuent de faire l'objet d’Etudes approfondies; il se trouve enfin que le judaïsme marocain a été, parmi ces communautés, le principal point de rencontre, et de fusion, à l'image du Maroc dans son ensemble et en symbiose avec lui, de la culture berbère et de la culture arabe, et le principal réceptacle de la composante juive de la culture et de la civilisation de "Al-Andalus" et de la péninsule ibérique d'avant l'expulsion de 1492.
Il me faut aussi apporter une rectification par rapport à une version idéologique courante concernant l'immigration juive marocaine en Israël. Cette immigration n'a pas été le fruit d'un prétendu "messianisme" de la communauté juive marocaine. Celle-ci Etait beaucoup trop imprégnée de religiosité juive, et notamment de l'esprit du Zohar, pour confondre le Messie avec l'Etat d’Israël. L'un des principaux promoteurs du sionisme au Maroc, Prosper Cohen, l'exhortait d'ailleurs en 1944 à abandonner l'attente du Messie pour se rallier au sionisme. Mais les résultats furent minces malgré les efforts entrepris appuyés par l’autorité coloniale française. Il fallut l'accord négocie en août 1955 en marge des négociations franco-marocaines d'Aix-les-Bains entre la délégation marocaine et le congres Juif Mondial pour que soit organise dans les mois suivants le premier départ massif de 45.000 juifs marocains des communautés du Sud marocain vers Israël, un départ qui Etait plutôt un rapt lorsqu'on se réfère aux descriptions de Albert Aflalo et de Edmond-Amran Elmaleh.
Quant au flux continu d’Emigration qui disloqua la communauté juive marocaine tout au long des années 60, moi-même et d'autres auteurs l'avons analyse. Il fut le résultat de l'impasse de l’indépendance -- une impasse qui entraîna dans ces mêmes années l’Emigration de un million de musulmans marocains vers l'Europe -- , de la convergence de fait sur ce terrain entre l'action sioniste et le nationalisme arabe, et de l'accord, monnaye en août 1961, entre le régime marocain et les Etats-Unis.
Ce que ces juifs marocains débarquant en Israël pouvaient encore porter en eux d’espérance fut nettoyé, comme l'a dit Ami Bouganim, par la "désinfection" au DDT.
Ces juifs marocains, désempares, déracines, ont pu voter Likoud parce que Begin fut le seul dirigeant politique israélien à s'adresser à eux sans arrogance, mais la démagogie du Likoud a fait long feu. Likoud ou Travaillistes au pouvoir, le judaïsme marocain en Israël constitue, nul ne l'ignore, une ethnie opprimée dans la structure actuelle de l'Etat d'Israël.
Cela Etant rappelé, l'orientation suivie depuis deux ans, qui aboutit ‡ vider le "processus de paix" de toute réalité, répond-elle à leurs problèmes ?
Avant même les événements dramatiques qui ont permis au gouvernement israélien de renforcer la politique de "séparation" et de consacrer le Protectorat israélien sur les Bantoustans palestiniens, Sami Sheetrit montrait dans News from Within de janvier dernier l'antinomie entre les valeurs et l'Histoire du judaïsme oriental transplanté en Israël et "le projet Ashkénaze sioniste". Si je suis d'accord sur le fond de l'analyse, Sheetrit fait trop d'honneur à l'Etat d'IsraÎl actuel en le qualifiant d’ashkénaze, car le judaïsme ashkénaze était lui aussi porteur des valeurs universelles du judaïsme, dont Yeshayahu Leibovitz en a été l'illustration la plus récente. L'Etat de l'apartheid en cours de réalisation en Terre Sainte à l'abri des barbelés et du Shin Bet et sous la haute protection des Etats-Unis, est la négation de toutes les valeurs qui ont fait la Terre Sainte; il est la négation de toutes les valeurs qui ont fait Jérusalem; il est la négation, entre autres, de toutes les valeurs du judaïsme; il est, très concrètement, la négation de toute la culture du judaïsme sépharade et oriental; si, par malheur pour l’humanité et pour la paix au Proche-Orient un tel Etat se consolidait sous le couvert d'un prétendu "processus de paix", il sonnerait entre autres, pour le judaïsme marocain en Israël, le glas de toute espérance ‡ un nouvel Epanouissement dans la fraternité retrouvée avec l'ensemble de nos frères arabes, et plus particulièrement avec ceux qui en constituent la fraction la plus avancée, nos frères palestiniens.
Oslo, l'esprit initial d'Oslo, mais non son détournement par l'establishment israélien et par les Etats-Unis, pouvait porter une espérance. Il convient de se battre tous ensemble pour la faire resurgir et pour que un jour, un jour de gloire que je souhaite de tout mon être aux jeunes générations, tous ensemble israéliens et palestiniens reprennent, dans Jérusalem ville de la paix, de la fraternité, dans Jérusalem ‡ la fois unie et double capitale de deux Etats fraternels, ce chant, en arabe et en hébreu, du chanteur juif marocain Simon Elbaz, "ALLELUIA-pluriel".
AINSI SOIT-IL.

Abraham SERFATY,

Texte rédigé à l'occasion du Colloque sur Jérusalem, UNESCO, le 16.03.96.







SERFATY ABRAHAM Fontenay-s./Bois, le 31.05.96


Pour Mikhaïl Warshavski,
A.I.C.,
JERUSALEM


Mon cher Michel,

Le maillon faible de la prochaine coalition de droite est le Shass. Son principe "La Terre contre la Paix", édicté par la Grand Rabbin Ovadia Yossef, s'oppose à l’idéologie du Likoud. Les intérêts objectifs des juifs marocains qui en constituent l'assise principale sont contraires à la domination de la droite ashkénaze; leurs fondements culturels de même; la conception religieuse du sephardisme est à l’opposé de celle des partis religieux de droite.

Il faut engager une action, d'abord là-bas dans ce sens et aussi ici auprès notamment de personnalités et d'intellectuels juifs séfarades favorables au processus de paix, pour amener à terme ce parti à se désolidariser de la coalition de droite, quitte à provoquer de nouvelles élections par la mise en minorité de Nettanyahou à la Knesset.

Peux-tu, pour m'aider dans cette action ici, m'adresser dès que possible le maximum d'informations sur ce parti, ses députes actuels, leurs bases électorales, "l'affaire Deri" (?), leurs textes idéologiques principaux, notamment sur Oslo et le processus de paix ?

A bientôt. Le combat continue.

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