mercredi 24 mars 2010

Pluralité des islams- Interview nov. 2004

Interview
Une voix, plusieurs islams

L’islam est porteur des valeurs universelles dans le texte, mais pas dans la pratique. M.Tariq Ramadan est une icône à moitié créée par les TV et à moitié par les altermondialsites qui l’utilisent pour mobiliser de nouvelles troupes issues essentiellement des islams d’Europe, jeunes pour la plupart, paupérisés, marginalisés, voire rejetés par certains secteurs de la fonction publique eu égard à l’ethnicisme du moment. Tariq Ramadan est un télé-prédicateur de l’Islam qui se veut moderne ou réformateur, il n’a rien à voir avec la communauté scientifique. C’est un peu le Cohn Bendit des banlieues des islams d’Europe, un acteur de la StarAc de la religiosité new wave.
Mon discours sur l’islam, inspiré de la « critique de la raison islamique » de Mohammed Arkoun et qui montre la démission de la pensée ou l’étendue de l’impensé chez la majorité des musulmans, ne passe ni dans les médias d’Europe, ni dans ceux de « L’Orient Arabe ».

Chargé d’un cours sur « L’islam dans l’espace européen », à l’Université de Lausanne et de Genève (DESS), professeur d’histoire, président de l’Observatoire international des affaires de la Palestine, membre fondateur des comités de lutte contre la répression au Maroc, co-auteur (avec Mondher Kilani) ) de « Islam et changement social 1998 », M. Ahmed Benani ouvre son cœur et son esprit pour nous raconter , sans masque aucun, les problèmes complexes de l’islam en Europe et en Suisse.

- Le nombre des musulmans augmente en Europe d’une manière spectaculaire. Cela pourrait-il représenter, à long terme, une menace latente pour les valeurs consacrées en Europe ?
- La réponse à cette question peut être formulée de manière anecdotique à partir de l’attitude de l’UDC en Suisse et ou plus généralement de celle de l’extrême droite dans toute l’Europe, ces extrémistes pratiquent et diffusent le rejet de l’altérité arabo-islamique, voire de toutes les altérités extra-européennes à l’exception des Etats-Unis d’Amérique. Autant dire que la condition de survie de l’Europe purifiée ethniquement de tout ce qui serait allogène relève d’une aberration totale. C’est surtout une stratégie, une manière d’alimenter la phobie de l’autre, la phobie du non Européen. Depuis le onze septembre 2001, c’est la figure de l’arabe et du musulman qui est devenue la cible privilégiée de la haine. Il faut, toutefois, préciser que l’antisémitisme “arabo-islamique” n’est instrumentalisé par aucun Etat européen. Il n’y a aucun signe qui implique l’un ou l’autre de ces Etats. Ce sont des pans entiers des sociétés européennes qui se mobilisent contre les gens de l’islam pour un certain nombre de raisons, qui relèvent essentiellement du phantasme ou de l’imaginaire social, dans lesquels le musulman est perçu comme un barbare, un terroriste donc un être rétif à toute modernité, même si ce musulman est citoyen européen ou américain. Le discours de M. Bush, sur l’axe du Mal, a été un facteur extrêmement important dans ce sens. Et je dirais que l’action de Ben Laden contre les Twin Towers à New York, cette provocation d’une expression dévoyée de l’islamité a été une autre raison. L’agression de cet Islam politique, prétendument djihadiste a généré une blessure narcissique en Amérique, que les dirigeants devaient venger, inutile donc de revenir sur les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Faut-il avoir peur de l’islam ? Oui de cet islam-là. Non également, parce que « Monsieur Islam n’existe pas » .
- Il Il existe « M. Musulman ». Faut-il en en avoir peur ?
- Je ne suis pas d’accord avec cette vision qui postule l’unicité de l’Islam et l’unité de la Umma (La Communauté mondiale des croyants) et son “clash” avec l”Occident”, la “civilisation occidentale”. D'abord, j’affirme haut et fort qu’il existe des islams et non pas un islam. Je distinguerais ce que j’appelle les traditions religieuses et leurs règles, us et coutumes, du milieu social, de la réalité anthropologique, des quinze siècles de l’histoire de cet islam, et de l’islam en tant que pacte ou lien social. A partir de la seule dimension linguistique, on est déjà confronté à une énorme difficulté. Celle qui révèle, que le corps supposé uni d’un milliard de fidèles qui seraient d’accord sur le texte coranique, est une mystification. Ces fidèles, en effet, dont moins du cinquième est arabophone et donc supposé lire le coran dans le texte, c’est à dire l’arabe, langue sacrée puisque langue de la révélation du Livre, n’ont pas le même accès à ce même Livre. Ils parlent l’urdu, le malais, le turc, le persan, le serbo-croate, le chinois, le russe, enfin près d’une centaine de langues; objectivement toute la poésie, l’esthétique, le sens, les paraboles du Coran leur échappent. Dans la majorité des cas, ils ânonnent le texte dans une langue qui n’est pas la leur, qu’ils ne comprennent pas. Seuls les érudits, les oulémas, les imâms arabisés possèdent le savoir, pratiquent l’exégèse et l’interprétation. Dans les autres cas, on a recours à des traductions du Coran, mais l’orthodoxie musulmane arabe, celle qui exerce le magistère doctrinal n’a jamais admis cette hérésie, lire le coran hors la langue sacrée. Cette exemple souligne un fait historique mais en même temps anthropologique, la profonde bigarrure ethno-culturelle des musulmans. La diversité des sociétés musulmanes est patente , elle se marque en particulier par les modes de vie, l’accomplissement différencié des devoirs religieux, des rites, des traditions locales et bien d’autres aspects. Cette approche nous ramène à un sujet important : l’islam européen, qui est porteur de ses propres caractéristiques symboliques, de ses différences, de ses chocs mais aussi d’un potentiel extraordinaire de “réinvention” du religieux et de ses fonctions.
- Et si on essaie de définir l’islam par ses valeurs universelles, peut-on penser une seule identité musulmane ?
- L’islam (terme générique) est porteur de certaines valeurs universelles dans le texte, mais pas dans la pratique. D’un pays musulman à l’autre, la valeur de la vie, de la liberté, du statut de la femme, etc., change, régresse et progresse. L’identité musulmane, comme l’identité chrétienne et juive, c’est une espèce d’identité de façade, une marque de fabrique. Les estimations les plus optimistes parlent de 10 % de pratiquants dans les trois monothéismes. Moi je m’interroge sur les 90 % : sont-ils encore musulmans, en quoi et comment ? Qui pense l’islam, pourquoi et comment? Par là, je ne dénie à personne le droit de croire ou de ne pas croire, d’adopter une posture mystique de type souffie ou d’être musulman seulement le vendredi ou durant le mois de Ramadan. Ce qui m’importe en tant que chercheur scientifique, c’est de constater et d’essayer d’analyser et d’expliquer pourquoi il y a cette diversité des images de l’islam, cette hétérogénéité dans l’interprétation des textes, les divisions au sein de l’Islam, dans le sunnisme comme dans le chiisme, l’importance considérable des Islams populaires (à travers le culte des saints., des marabouts, etc., ) et l’islam savant, orthodoxe, rigoriste de type wahhabite par exemple ou sur un autre plan Ismaélien. Donc, il est pour le moins réducteur de parler d’une seule identité islamique trans-sociale, trans-historique, transculturelle. Il est tout à fait évident que le pluriel doit être un marqueur du concept d’islam ou de l’expression de la religiosité musulmane. Personne ne peut mettre en doute les différences fondamentales et symboliques entre les Islams du Maroc, des Philippines, de l’Indonésie ou du Cameroun !
- Parlons alors, de l’islam européen, une identité spécifique qui se diversifie quant aux traits de son milieu social. N’est-ce pas un paradoxe significatif ?
- Là, il y a déjà, me semble-t-il, une erreur ou une divergence de taille. Il existe un islam européen qui n’a rien à voir avec celui des populations immigrées. Si on considère la Turquie comme un Etat européen et membre de l’Union Européenne dans quelques années (ou jamais, autre probabilité), ces Turcs sont musulmans européens incontestablement, surtout si l’on tient compte, comme le font beaucoup d’européens non-musulmans, de la laïcité imposée par Attaturk. Les Balkans n’appartiennent pas au monde arabo-musulman. C’est une partie de l’Europe où vivent des musulmans européens. Les musulmans en Suisse sont en majorité d’origine européenne (ex-Yougoslavie et Turquie). Seule la minorité de cet islam d’Europe est arabe ou d’origine arabe. Elle vient en quatrième position après les asiatiques. C’est une escroquerie imbécile que de réduire tout l’islam à Ben Laden, ou aux frères musulmans. C’est une autre escroquerie intellectuelle que de parler du Tout Islamique. Relever comme une vérité intangible, (comme le font les courants xénophobes et une presse raciste) qu’il y a un lien de cause à effet entre la misère des populations musulmanes “installées” en Europe (leurs banlieues, leur chômage, leurs etc.) et leur propre haine de l’islam, participe d’un délit : l’incitation à la haine raciale. Cette attitude des islamophobes signifie, implicitement, que ces musulmans d’Europe, ces musulmans européens sont des gens qui ne veulent pas travailler, s’intégrer, devenir citoyens, accepter les règles de la démocratie et les différentes formes de la sécularité ou de la laïcité. Or c’est C’est exactement l’inverse qui est en train de s’opérer.
Le « passage » de l'islam à l'Ouest, partie prenante du phénomène de mondialisation, l’existence d’un islam turc, balkanique, tchétchène, rendent caduques toutes les visions culturalistes et essentialistes, que certains tentent de réactiver à l’heure de la grande Fitna (guerres et désordres au sein des islams contemporains). Il y a aujourd’hui une religion qui apprend à se désincarner et des populations musulmanes qui négocient leurs nouvelles identités, y compris dans la « confrontation » avec les expressions des autres monothéismes, la sécularisation, l’incroyance.
Ici, je fais allusion à des études et des travaux relatifs à ce fait social particulier - celui des islams transplantés et implantés dans l'espace européen - que nous devons saisir en amont et en aval.
Ce que nous croyons savoir de l'islam est en grande partie le produit d'une vision bâtie sur des siècles d'opposition tout autant politique que religieuse. La réalité mouvante et paradoxale des musulmans de l'intérieur comme de l'extérieur, du comportement le plus privé jusqu'aux aspects les plus collectifs, disparaît alors sous le poids de représentations sédimentées au fil des siècles. À partir de ces représentations qui s'agrègent, un essai de déconstruction s’impose pour permettre une approche à travers d’autres paradigmes.
Il s’agit, entre autres, dans cette perspective de reconnaître que les grandes tendances actuellement au sein des islams en Europe sont en phase avec les grandes tendances de la religiosité en Europe : l’individualisation et la désinstitutionnalisation de la religion, la sécularisation, la spiritualisation, l’apprentissage du pluralisme, l’intégration du doute et de la réflexivité.
Ces « constats » invitent à rendre à l’affirmation de l’islam en Europe la banalité qu’elle mérite, mais également sa modernité. Modernité qu’il faudra saisir également à travers ses multiples productions (romanesques, cinématographiques, théologiques revisitées, scientifiques, etc.) qui travaille aussi directement ou indirectement les sociétés musulmanes de provenance (Maghreb, Asie, Afrique, Moyen-Orient).
Nous pensons que l’interprétation de l’affirmation d’identité musulmane en Europe est très clairement passée par trois paradigmes. Au paradigme de l’intégration, développé par la sociologie des migrations, succède celui de la citoyenneté dont les « réglages » sont problématiques pour les Etats, voire les sociétés autochtones. Puis, troisième moment que la recherche doit susciter, le dialogue avec les acquis théoriques de la sociologie des religions qui ouvre la voie à un nouvel intérêt pour les phénomènes de croyance, certainement irréductibles à de simples épiphénomènes des logiques d’exclusions sociales ou économiques liées au « déclassement » et au « malaise des banlieues » (délinquance, voile islamique, islamisme radical, prêches des télé prédicateurs type Tariq Ramadan, etc.). ou de violences d’extrême droite ici ou là, en France, en Hollande et même en Suisse.
- Parlant d’islams et non pas d’un islam, vous mettez la représentativité de cette communauté en doute ?
- Il ne faut pas tomber dans le piège de la représentativité d’un chef unique. Le dernier Prophète de l’Islam s’appelle Mohammed et il est mort au VIIe siècle et l’Empire Ottoman, prétendument à la tête de la Umma, s’est effondré au début du siècle dernier. On ne peut pas avoir un imam qui parle au nom de tous les musulmans de Suisse par exemple. Cela ne peut-être que le rêve d’un désaxé
-Vous niez alors, qu ‘à l’heure actuelle, M. Tariq Ramadan représente la grande majorité des musulmans en Suisse et en Europe ?
Je vois que vous voulez conclure cet interview par une note d’humour!
Tariq Ramadan, c’est une « icône » des temps modernes et incertains, un télé-prédicateur, un pur produit télévisuel, un prince de la rhétorique religieuse creuse et du double langage. C’est la coqueluche des médias et d’un certain nombre de mouvements associatifs ou militants dirigés par des gens comme José Bové, les trotskistes anglais, les altermondialistes et autres leaders de Forums sociaux. Tariq Ramadan a été hissé avec son propre consentement et surtout grâce à son ego incommensurable à un très haut niveau de visibilité ou de survisibilité. Mais le jour ou la mise en scène sera décrétée terminée par les décideurs ou managers du show politico-religieux, il tombera de son piédestal et aura peut-être, comme Cohn Bendit, un strapontin au Parlement européen en qualité de représentant d’un parti politique islamique, si un tel parti venait à voir le jour, comme la Démocratie Chrétienne ou le PDC en suisse. Plus sérieusement, je dirais que Tariq Ramadan est un néo-fondamentaliste, quelqu’un qui est héritier d’une tradition familiale, politique et religieuse, celle des frères musulmans. Dans ses discours on reconnaît cette empreinte qui se double d’une volonté ou d’un volontarisme compulsif de réunir les musulmans d’Europe dans une communauté spécifique et séparée, donc c’est un artisan d’un communautarisme et d’un essentialisme dangereux. Ce qui est paradoxal chez lui, c’est qu’il construit son propre communautarisme en dénonçant avec véhémence celui des autres, le communautarisme juif, par exemple et qui le fait passer aux yeux des Juifs libéraux, républicains, laïcs ou agnostiques comme antisémite. Mais tous les articles, livres, cassettes, conférences, qu’il produit ou qu’on produit sur lui pour le présenter comme le nouveau pape de l’Islam, relève soit d’une forme de mégalomanie, soit d’un marketing de bon rapport. C’est, si vous voulez, dans le marché religieux et inter-religieux, une valeur boursière bien cotée. Mais vous savez ce que sont les valeurs boursières et le jeu des spéculateurs!
- Vous ne partagez donc pas l’avis de certaines figures islamiques, très importantes au plan spirituel, qui le qualifient comme « l’avenir de l’islam » ?
- Ce n’est pas Tariq Ramadan qui est l’avenir de l’islam. Ce sont les musulmans d’Europe, les intellectuels issus de l’islam qui vont, eux, construire l’avenir de cet l’islam. Faire rentrer cet Islam dans un nécessaire mouvement de Réformes, de Lumières. Les conditions de libertés individuelles et collectives, la liberté de conscience qui existent en Europe et nulle part dans le monde arabo-islamique, vont permettre cette mutation de l’islam dans une génération selon mes estimations. C’est donc un processus collectif ou les acteurs sans distinction de sexe et à partir de modalités de mobilisations, de savoirs acquis, de compétences et dans la transparence, qui seront à l’origine de cette modernisation de l’islam et non d’une islamisation de la modernité comme le prétendent leurs détracteurs.
- En tant que laïque, vous pouvez parler de la diversité de l’islam. Mais pour un musulman, pour Tariq Ramadan, il n’y a qu’un Dieu, qu’un Coran, et qu’un Islam. Alors…. ?
-On peut parler de musulmans laïques, voire athées, qui partagent avec M. Tariq Ramadan tout ce qui est culturel, historique, linguistique, enfin pour faire bref, disons les aspects de l’identité arabo-islamique sauf la foi. Pour ceux qui sont athées, ils se reconnaissent fatalement dans ces mondes musulmans et dans plusieurs de leurs aspects culturels , nous avons en nous des legs, des patrimoines communs, des registres et des repères en partage. La question de la foi n’intervient en aucune façon dans nos actions, nos façons d’être ou de faire. Il y a ceux qui vont dire nous avons la foi, mais nous ne pratiquons que peu, trop ou pas du tout, mais qui affirment que la religion doit rester dans une sphère privée. Il y a la troisième catégorie, qui croit à l’unicité de l’islam, à sa vocation de réunir les fidèles. Les partisans de cette voie considèrent qu’ils sont dans le « Dar Al Islam » l’espace acquis à la loi vérité du Coran, dans beaucoup de pays d’Europe Cette fraction minoritaire de l’islam, mais qui fait beaucoup parler d’elle, souhaite s’organiser, se structurer en partis religieux en congrès musulmans, ou ligues, ou encore groupes de pression et de lobbying dans toute l’Europe. Alors bon vent, qu’elle le fasse dans le respect de la loi et de la paix confessionnelle. Qu’elle élise ses leaders, Tariq, Hani, Ali ou Mahdi. Nous verrons à l’avenir, si cet islam est capable de s’organiser de manière autonome, sans dépendre des pétrodollars et autres subventions occultes. Pour l’heure on n’assiste qu’à des querelles de chapelle, ce qui n’est pas trop grave. Mais quand c’est les bombes qui explosent, là nous prenons nos responsabilités de citoyens et d’humanistes et nous dénonçons toutes les formes de barbarie commises au nom de l’islam. Cette fraction de l’islam politisé suscite la peur, la méfiance, tout en proclamant qu’elle est pour la paix, le dialogue des civilisations. L’expérience nous a montré jusqu’ici qu’elle n’est même pas capable d’entamer un débat entre laïcs et musulmans pratiquants. Le seul débat auquel on assiste est celui entre les fractions à l’intérieur des diverses communautés musulmanes qui s’entredéchirent. Regardez ce qui s’est passé contre l’imam du centre islamique de Lausanne, encore très récemment.
-Pour l’opinion publique, européenne et suisse, il n’y a pas qu’un islam ?
-Quant à l’opinion suisse, celle des musulmans suisses incluse, il y a des méconnaissances graves de ces islams dont on débat, et de « l’islam suisse » dans sa diversité. Il faut d’abord commencer par la maîtrise des connaissances et des savoirs au sujet des ces islams. Mener des recherches, des enquêtes de terrains, conduire des entretiens, s’intéresser aux origines, observer les pratiques. Bref, du pain sur la planche mais un début de travail sérieux ces quatre ou cinq dernières années en ce qui concerne la Suisse, terriblement en retard par rapport à ce qui s’est fait et se fait en Grande Bretagne, aux Etats-Unis et en France.

Je dirais ensuite qu’il importe énormément de respecter cette opinion publique, la société civile, surtout en matière religieuse. Il est nécessaire de s’interroger chaque fois qu’il est question de l’islam , sur le statut de ceux qui en parlent , de ceux qui écrivent. Trop souvent on a affaire à des “spécialistes” qui forment le même microcosme médiatique , les Ramadan, les deux Antoine Basbous et Sfeir, l’ineffable Sami Aldeeb et bien d’autres faiseurs, qui traitent, avec une légèreté déconcertante dans les médias complaisants et pressés, pêle-mêle du voile islamique, des guerres de l’islam de ses déchirures, des cimetières, des boucheries halal, des mariages mixtes ou religieux, de l’adultère, du terrorisme etc., etc,. Cela relève d’une perversion de l’information et d’une politique de manipulation systématique qui sécrète les clichés, stigmatise impunément des communautés entières. Il faut que le monde académique, les chercheurs s’ouvrent plus à l’opinion, aillent à la rencontre des jeunes, des apprentis, des cercles culturels. Pour ma part, j’essaie modestement de remplir ces objectifs pédagogiques, de fournir des outils de compréhension de réalités complexes. Je me présente systématiquement comme musulman athée. Ce qui me permet une liberté totale pour parler ouvertement de toutes les religions. Mais, j’en conviens bien volontiers, je ne suis pas sollicité par les médias comme tous les “spécialistes” mentionnés. Je sais pourquoi. Le discours que je livre ne leur convient pas. C’est un discours qui insiste sur l’universalité de la modernité, qui s’appuie sur la distance critique et la critique scientifique du fait religieux , qui plaide systématiquement pour la liberté de conscience, l’humanisme et la tolérance. Et cela ne fait pas vendre les différents programmes des TV sur la chose religieuse entre deux spots publicitaires. Mais cela ne me dérange absolument pas de laisser le rôle vedette à Tariq Ramadan, Oussama ben Laden, ou Georges W. Bush en matière de savoir religieux

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