mardi 30 mars 2010

Du cancer du Proche-Orient

ERACOM
Conférence Ahmed BENANI
Lausanne, le 1 juin 2006

Avec quel scalpel faut-il opérer pour en finir avec une des tumeurs les plus malignes de notre temps, celle à l’origine du cancer du Proche –Orient ?


D'espoir de paix en reprises de la violence, de l'assassinat de Rabin à la mort de Yasser Arafat, de la construction du mur à l'évacuation des colonies de la bande de Gaza, de la victoire du Hamas à celle de Kadima le conflit israélo-palestinien peut paraître parfois indépassable, provoquer en France des discussions passionnées, ou lasser.
Aujourd’hui, je vais tâcher de mettre de côté l’approche historique classique, celle également des relations internationales ou de la diplomatie pour aborder ce conflit sous l’angle du relgieux. Ce faisant, je voudrais essayer de comprendre avec vous, comment ce conflit territorial, opposant deux visions laïques du monde, le sionisme et le nationalisme arabe, a pu se transformer en une véritable guerre de religions ? Celle qui vise l'élimination totale de l'adversaire et pour laquelle le traître (Rabin hier, Sharon encore davantage aujourd'hui) est pire que l'ennemi.
Le fait religieux structure les relations internationales. Maints conflits en sont l'exemple : des rivalités meurtrières dans l'ex-Yougoslavie, à l'opposition entre protestants et catholiques en Irlande du Nord, en passant par les luttes entre les Tamouls hindouistes et les Cinghalais bouddhistes. Les conflits religieux ne peuvent s'expliquer par une simple opposition entre les religions seules (Islam, Catholicisme, Orthodoxie, Hindouisme). Chaque religion est elle-même divisée et en proie à des luttes intestines sous forme de schisme ou de secte. En tant que tel l'intégrisme religieux n'est pas une cause de conflit. Cependant les oppositions religieuses s'ajoutent parfois à d'autres rivalités (sociales, économiques et politiques) pour entraîner un conflit. Contrairement à ce que pourrait nous faire penser l'actualité, l'intégrisme religieux n'est pas une spécialité musulmane. On le retrouve chez des adeptes de toutes les grandes religions et de toutes les grandes idéologies. Il y a aussi des intégristes chrétiens, juifs ou hindous. Ce rapport a pour objet de définir les fondements de l'intégrisme religieux et de montrer, au travers d'un exemple (intégrisme musulman) quelles peuvent être ses manifestations et implications... ...
Comme le souligne brillamment dans son opuscule : Israël-Palestine, une guerre de religion ? rédigé à la suite d'une conférence donnée à la B.N.F Elie Barnavi, ancien ambassadeur d'Israël en France (2000-2002), écrit:
"L'évacuation du religieux hors du champ politique a rendu l'Européen, incapable de concevoir une guerre de religion proprement dite, c'est-à-dire une guerre pour la religion ou, du moins, dont la religion est la principale justification. Or, il faut se rendre à l'évidence, la vraie guerre des religions est revenue."
Professeur d'histoire moderne à l'Université de Tel-Aviv, E. Barnavi s'appuie pour soutenir son analyse sur ses travaux sur les guerres de religion en France ("Guerre des Trois Henri"): __

Selon lui 4 écueils principaux sont à éviter:__
- Penser qu'un conflit religieux n'est qu'un conflit de religions alors même que la "dimension religieuse" n'en n'est qu'une parmi d'autres.__
- Penser que la motivation religieuse n'est qu'un "prétexte" masquant les véritables enjeux politiques, sociaux ou économiques. Les conflits religieux sont de véritables conflits de religion "dans la mesure où l'appartenance religieuse fournit le pôle identitaire des camps en présence et leur idéologie de combat".__
- Chercher dans les Ecritures, quelles qu'elle soient, "l'explication du comportement de leurs fidèles, ici et maintenant". "Traquer Al-Qaïda dans le Coran n'a pas plus de sens que de fouiller dans la Bible pour rendre compte des mobiles de l'assassin d'Yitzak Rabin...'__
- Oublier que les circonstances historiques de la naissance et du développement des systèmes religieux ont largement déterminé leur rapport avec le politique.
Je noterais, à ce stade, une différence radicale entre le Christianisme et les deux autres monothéismes. Le Christianisme s'est développé pour partie sur la distinction spirituelle/temporelle (Rendez à César et...) et celui-ci a pris de l'ampleur dans un état déjà constitué. L'analyse que l’on pourrait faire des autres monothéismes serait un peu longue à rapporter dans ce cadre (opposition sionisme/néo-sionisme méssianique ; fondamontalisme/ intégrisme islamique). Il reste cependant, qu’on se retrouve aujourd'hui, et particulièrement dans les grandes démocraties occidentales face à un renouveau des affrontements religieux: affrontements réels pour lesquels nous ne sommes pas préparés mais voici une partie de sa conclusion :__L'optimisme ?:_
"...Ce n'est pas une question d'analyse scientifique, mais de conviction politique, de valeurs si vous voulez. Car pour exorciser le spectre de la guerre de religion il ne suffit pas de comprendre ces partisans ni même de les mépriser ; il faut les combattre avec la même passion, la même conviction, le même zèle qu'eux. Comme l'histoire du XXème siècle nous l'a appris ou aurait dû nous l'apprendre, la veulerie, même déguisée sous le masque rassurant de la sagesse politique, est la meilleure servante de la barbarie."

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